Etude sur Jean Baptiste (Troisième partie)
LE JOUR DE YAHVÉ
Étude midrashique sur Jean Baptiste
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Jean Baptiste est considéré par le christianisme comme le dernier prophète de l'Ancienne alliance et il représente le lient entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Il est en quelque sorte la clef qui ouvre le ministère de Jésus, il est dit : "celui qui prépare la venue du Messie". Et en quoi cette préparation consiste t-elle ? C'est ce que nous tenterons de répondre par une étude midrashique du personnage devant remplir ce rôle c'est-à-dire : Jean Baptiste.
Tout d'abord qu'est-ce qu'une étude midrashique ,
Si je reprend Wikipédia le Midrash (hébreu : מדרש, pluriel midrashim) désigne à la fois
- une méthode herméneutique d'exégèse biblique opérant principalement par comparaison entre différents passages bibliques.
- ainsi que, par métonymie, la littérature recueillant ces commentaires.
Il représente le troisième des quatre modes d'interprétation rabbinique de la Bible hébraïque, et est subdivisé en midrash halakha qui entend tirer des lois du texte, et midrash aggada, à but généralement homilétique.
Longtemps réduit à sa dimension folklorique et apparemment naïve, le Midrash connaît un regain d'intérêt lorsque des biblistes redécouvrent derrière ses exégèses apparemment extravagantes les parallèles qui se fondent sur l'intertextualité de la Bible, et ouvriraient selon certains une fenêtre sur l'élaboration même des textes qu'il commente.
Si le principe même de la possibilité d'un éclairage des textes évangéliques par les traditions rabbiniques n'est guère mis en doute, le style très particulier du midrash, qui peut en général sembler assez déroutant pour le lecteur chrétien non familier à la culture hébraïque, peut constituer pour certains un obstacle difficile à surmonter. Cette difficulté ne doit pas écarter le lecteur de l'intérêt de tels rapprochements. Les Évangiles, on ne saurait trop le rappeler, ne sont pleinement intelligibles que s'ils sont mis en référence avec leur milieu d'origine. Tout cela à cause de la parenté évidente qui existe entre le Nouveau Testament et la tradition juive ancienne.
Qu'entend-on par tradition juive ancienne ?
Le judaïsme depuis l'antiquité a développé toute une tradition exégétique, juridique, spirituelle, liturgique, mystique, qui emplit aujourd'hui des rayons de bibliothèques. Je me référerai ici à la littérature juive de l'antiquité (en gros, les tout premiers siècles
de notre ère) : le talmud (les débats des maîtres juifs sur l'interprétation de la Torah) et les midrashim (commentaires bibliques).
Quand nous, nous plongeons dans cette abondante production littéraire, on y découvre un monde qui peut nous sembler bizarre et d'un autre côté qui nous est assez familier. Bizarre, est la raison de la méthode employée pour l'argumentation que je qualifierais de déroutante. C'est du moins ce qu'elle peut nous paraître à nous occidentaux, et familier, parce qu'elle abonde d'expressions que l'on rencontre dans le Nouveau Testament comme : "À chaque heure suffit sa peine", "Le serviteur n'est pas plus grand que le maître", "De la mesure dont use un homme, on use aussi pour lui", "Retire la poutre que tu as dans l'œil", etc.. etc. On y trouve même des expressions d'usages que nous désignerons comme typiquement chrétiennes : "Le sabbat vous a été donné, ce n'est pas vous qui avez été donnés au sabbat." Déroutant non ?
Le Nouveau Testament ne se suffit pas à lui-même.
Je peux comprendre que ce sous-titre peut choquer. Car il y a des générations, et des générations de chrétiens qui se sont sanctifiées par la seule lecture de l'Évangile, et si l'Évangile a connu un tel succès auprès des non juifs, c'est qu'il a une portée universelle et que Jésus peut parler directement à des gens qui sont étrangers à sa propre culture, et ça, nous ne pouvons le nier. Mais il n'est pas dissociable de son origine. Pour employer une formulation dans un sens biblique, je dirai que l'Évangile est semblable à une vigne dont des sarments ou cépages servent à en faire du vin qui est exporté dans toutes les nations pour figurer sur toutes les tables, mais qui reste enraciné dans l'alliance avec Israël. Il est certain qu'on en perd beaucoup si on néglige cet enracinement.
Il est certain qu'on ne peut pas comprendre complètement le Nouveau Testament sans se référer à l'Ancien, et je pense que personne ne peut mettre en doute cela, mais il faut qu'en même rappeler qu'il y a toujours eu dans certaines églises une tendance, aussi vieille que le christianisme, à se passer de l'Ancien Testament. C'est d'ailleurs une des premières crises qu'a connues l'Église pratiquement dès sa naissance. Cette tendance fut poussée par un certain : Marcion. Pour prêcher un christianisme pur et libéré de tous ses aspects juifs, il avait rejeté en bloc tout l'Ancien Testament, ce qui l'avait conduit à rejeter aussi la plus grande partie du Nouveau, parce que trop dépendante de l'Ancien.
Aujourd'hui, et beaucoup de chrétiens en sont convaincus, on comprend de plus en plus que le Nouveau Testament lui-même ne suffit pas. Pas plus que l'Ancien ne suffit à lui-même. Les deux sont complémentaires, et pour passer du Nouveau Testament à l'Ancien, il faut passer par la culture juive de l'époque, pour lire la Bible comme les auteurs du Nouveau Testament la lisaient. Et comme Jean Baptiste est la figure "prophétique" reliant l'Ancienne Alliance à la Nouvelle (l'Ancien Testament au Nouveau), l'étude midrashique de ce Jean Baptiste me semble être la clef de la compréhension du Nouveau Testament qu'il inaugure.
Tout le Nouveau Testament baigne dans une culture qui est celle d'une autre religion : synagogue, sabbat, circoncision, etc. Et beaucoup de débats à l'intérieur du Nouveau Testament ne se comprennent qu'à l'intérieur du monde juif.
Et ici on arrive à ce paradoxe qui est que : pour comprendre et vivre pleinement, sa foi, le chrétien est dépendant de quelqu'un qui ne la partage pas, c'est-à-dire le juif. J'ai cité jusqu'ici des textes (targum, midrashim...). Mais ces textes sont indissociables du peuple qui les a conservés et dont ils constituent le patrimoine.
Cependant le chrétien ne peut se consacrer à l'étude de la tradition juive en ayant pour but et en étant guidé seulement par la seule motivation d'y trouver un éclairage pour l'interprétation du Nouveau Testament. Tout simplement, parce qu'a priori il est impossible de savoir où, dans l'océan de cette tradition, on peut trouver le commentaire ou le texte qui éclairera tel ou tel verset. On ne peut donc compter que sur des rencontres fortuites faites à l'occasion de recherches entreprises pour elle-même.
Ainsi d'autres recherches et d'autres chercheurs peuvent toujours sans problème apporter d'autres explications éclairées par d'autres midrashim.
Le midrash ainsi défini vous le comprenez nous permet d'étudier les textes du Nouveau Testament selon une méthodes différentes mais qui est la méthodes en pratique lors de sa rédaction et donc l'étude selon une méthode midrashique des Evangiles doit apporter un éclairage et une compréhension du Nouveau Testament directement dans la ligné de l'Ancien.
Ouvrons l'évangile de Jean. On est frappé dès le début par l'importance accordée au Baptiste. Son nom arrive dès le verset 6 du premier chapitre de son évangile. Avant lui, dans les premiers versets de ce premier chapitre, personne n'a été nommé sinon Dieu et la Parole. Puis, à partir du verset 19, l'attention est centrée sur le Baptiste. On s'interroge à son sujet. « Qui es-tu ? » lui demande-t-on. Alors, et curieusement il dit ce qu'il n'est pas, et aussi qui il est, une voix qui crie. Drôle de façon de s'exprimer et répondre à une question posée ! Mais j'ai remarqué par expérience que chaque fois que la Bible parle ainsi c'est qu'elle à quelque chose à nous dire qui est caché.
Dans les Évangiles, Jean est décrit comme un personnage solitaire vivant au désert, du genre ascétique (Matthieu 11, 18), se nourrissant de sauterelles grillées et de miel sauvage, pratiquant le jeûne, ayant développé son activité sur les rives du Jourdain. Qu'est ce tout cela peut nous apporter sur sa mission ? Autrement-dit : que nous importe ce que Jean-Baptiste mangeait et comment il se vêtait ? Mais je sais par expérience que si les textes nous parlent de sa façon de vivre etc, c'est que celle-ci est directement lié à sa mission, et c'est ce que vas devoir nous dévoiler notre midrash sur Jean Baptiste. Il nous faudra donc décrypté au travers l'Ancien Testament tous ces détails pour comprendre le rôle et la mission de Jean Baptiste. Et tel un enquêteur remontant des traces sur une scène de crime pour faire aboutir son enquête, nous suivrons les traces laissées dans les textes biblique pour faire aboutir la notre.
Jean Baptiste pourrait avoir appartenu au mouvement essénien, selon l'historiographe romain de confession juive Flavius Josèphe qui évoque Jean dans son œuvre. Sa vie, ne prend de sens qu'en rapport direct avec Jésus : car il a pour mission de préparer sa venue, celle du Messie annoncé par les prophètes et attendu par le peuple d'Israël.
Après une longue période de « vie cachée » dans le désert, il se met à proclamer, vers trente ans, le « baptême de repentir pour la rémission des péchés », prophétisé par Isaïe. Son rôle est celui « d'aplanir les sentiers du Seigneur », de lui « préparer les voies » (Luc 3, 1-6).
Cependant Jean est plus qu'un prophète. Jean le Baptiste est le plus grand de tous les prophètes. Il est même plus grand que tous ceux qui sont nés d'une femme. Selon Jésus lui-même.
Voilà toute une affirmation ! Elle a de quoi étonner tout lecteur de la Bible. Notre première réaction serait peut-être de se dire : "Comment est-ce possible ?" Comment Jean le Baptiste peut-il être plus grand qu'Abraham ? Peut-il être plus grand même que Moïse ? Aux yeux du peuple juif, il n'y a personne qui puisse être plus grand que Moïse. Et pourtant, Jésus affirme que personne n'est plus grand que Jean le Baptiste.
La question sur laquelle nous devons nous pencher est la suivante. En quoi consiste la grandeur de Jean le Baptiste ? En effet lorsque nous jetons un coup d'œil sur ses accomplissements, il semble qu'il n'y a rien qui justifie un tel éloge. À ma connaissance, Jean n'a jamais fait de miracle. On ne l'a jamais vu guérir un malade. Il est vrai que sa prédication attira les foules. Il a pu ainsi baptiser des milliers de personnes sur les berges du Jourdain. Mais après tout, Jean n'est pas le seul à avoir eu une telle influence. De nombreux grands prédicateurs ont fait la même chose. Alors comment peut-il être le plus grand parmi ceux qui sont nés d'une femme ?
Essayons de réfléchir à cette question. Se pourrait-il que la grandeur de Jean réside dans les fonctions qu'il avait ? Il n'y a aucun doute que le rôle joué par Jean le Baptiste était unique dans le plan divin. Dieu l'a choisi pour être le messager qui devait préparer le chemin du Seigneur en appelant le peuple à la repentance. Nous reconnaissons tous que c'était une tâche de prime importance. Mais a-t-il vraiment excellé dans ce domaine ? Après tout il semble bien dans sa prison avoir douté lui même que Jésus était le Messie ! Ainsi Jean n'était peut-être pas en soi une grande personne, mais les responsabilités qui relevaient de ses fonctions faisaient de lui une importante personne. Malheureusement un tel raisonnement s'accorde mal avec la pensée biblique. Dans les Écritures, la grandeur d'une personne n'est jamais liée à la fonction qu'elle occupe.
À vrai dire il est difficile de définir au travers une lecture littérale des textes des évangiles les relations exactes qui ont existé entre Jean-Baptiste et Jésus. Il paraît possible, voire probable, qu'à l'origine, ils aient appartenu au même mouvement et aient travaillé ensemble. Avant de prendre ses distances et d'affirmer son autonomie, Jésus fait peut-être partie du groupe des disciples de Jean. D'après les Évangiles, chacun d'eux a vu dans l'autre un envoyé et un serviteur de Dieu. Pourtant, leur accord et leur estime réciproques ne vont pas sans réserves. Jésus voit en Jean Baptiste un prophète, le plus grand de tous, mais, ajoute-t-il, "le plus petit dans le Royaume est plus grand que lui". ce qui n'est pas très flatteur reconnaissons-le ! Aux yeux de Jésus, Jean reste sur le seuil de l'Évangile, il ne franchit pas vraiment le pas. De son côté, Jean rend témoignage à Jésus et déclare vouloir s'effacer devant lui : "il faut qu'il croisse et que je diminue", dit-il, et il le désigne comme "l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde". Mais ce qui m'a toujours paru incompréhensible c'est que néanmoins, Jean ne se rallie pas à Jésus en se mettant à sa suite ; il poursuit son action propre, continue son mouvement. Il conserve des disciples qui ne deviennent pas des chrétiens seuls quelques-uns d'entre eux suivront Jésus. En deux mots Jean reste un Juif il ne devient pas un chrétiens en se mettant à la suite de Jésus. C'est qu'en même étrange non pour un témoin, que dis-je ! Celui qui doit-être le principal témoin ! Ces disciple après sa mort formeront une secte qui sera en rivalité et en concurrence avec l'Église naissante.
L'épisode que raconte notre texte illustre bien cette ambiguïté. De la prison où l'a enfermé Hérode, Jean envoie ses disciples pour interroger Jésus et lui demander s'il est ou non le Messie attendu. Démarche curieuse, étonnante, puisque Jean a déjà reconnu Jésus comme Fils de Dieu et Messie. Que signifie donc cette question, comment l'interpréter, pour quelle raison, dans quel esprit et dans quel but Jean la pose-t-il ?
D'autre part, Jésus ne se limite pas à dire que Jean le Baptiste était quelqu'un de très important. Il ajoute ceci. "Le plus petit dans le royaume des cieux est plus grand que Jean." Jean est le plus grand homme parmi ceux qui sont nés d'une femme. Mais le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui. Maintenant nous ne savons plus que penser. Jean est-il grand ou non ? Selon la logique de cette déclaration, même en étant les plus petits dans le royaume de Dieu, nous sommes plus grands que Jean le Baptiste. En fait, quiconque appartenant au royaume de Dieu devrait être plus grand que Jean. Mais si tel est le cas, pourquoi dire que Jean le Baptiste est le plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes puisque de toute façon, tous les êtres humains sont nés d'une femme ?
Ceci soulève une autre question. Est-ce que Jean se trouve dans le royaume de Dieu ? Nous nous sentons obligés de poser cette question car elle pourrait nous permettre de résoudre notre problème d'interprétation. En effet, nous avons l'impression que la seule façon d'expliquer comment nous pouvons être plus grands que Jean, c'est de dire que ceux nés de nouveau, sont dans le royaume de Dieu mais que Jean n'en fait pas partie. Donc la situation est la suivante. Il y a ceux qui se trouvent dans le royaume donc né de nouveau, et Jean se trouve à l'extérieur du royaume donc il n'est pas né de Nouveau. Ainsi le seul fait de se trouver dans le royaume de Dieu nous confère automatiquement un statut supérieur à celui de Jean le Baptiste, même si nous sommes les plus petits du royaume. Avec une telle explication, nous pensons avoir élucidé les paroles énigmatiques de Jésus.
Malheureusement, je ne crois pas que le problème soit résolu pour autant. Qu'est-ce qui nous permet d'affirmer que Jean ne fait pas partie du royaume de Dieu ? Une autre difficulté se présente quand nous lisons Matthieu 8.11. Dans ce verset, Jésus dit, "Or, je vous déclare que plusieurs viendront de l'orient et de l'occident, et seront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux." Abraham, Isaac et Jacob sont tous dans le royaume de Dieu et nous prendrons place à table auprès eux dans le royaume des cieux. Mais si Abraham, Isaac et Jacob sont dans le royaume de Dieu, pourquoi Jean qui est dit plus grand qu'eux, ne serait-il pas dans le royaume ? Jésus vient juste de nous dire que Jean le Baptiste est plus grand qu'Abraham, Isaac et tous ces grands hommes de la Bible. Ces derniers sont dans le royaume de Dieu et Jean le Baptiste en serait exclu ? Vous voyez pourquoi il est difficile de défendre l'idée que Jean soit exclu du royaume.
Mais alors qui était Jean Baptiste et qu'elle était réellement sa mission ?
Puisque selon les auteurs des évangiles Jean Baptiste répond à la prophétie de Malachie au sujet de l'envoi d'Élie et que cet envoi devait précéder la venue du Messie, prophétie qui repose essentiellement sur les trois derniers versets de ce livret, une étude de cette finale de Malachie me semble plus que nécessaire avant d'aborder ce qui ouvre le ministère de Jésus et mieux comprendre la signification de cette rencontre entre Jean Baptiste et Jésus, avant d'entreprendre notre midrash sur Jean Baptiste et découvrir sa mission mission qui fait de lui le plus grand de tous le prophètes.
Le témoignage de l'incarnation
Ou le témoignage du recensement de Jésus.
Jean Baptiste et Jésus
Dans les évangiles celui qui doit témoigner se nomme Jean.
(Jean Ch 1 v15 à 17) :
15
Ἰωάννης μαρτυρεῖ περὶ αὐτοῦ, καὶ κέκραγεν λέγων, Οὗτος ἦν ὃν εἶπον, Ὁ ὀπίσω μου ἐρχόμενος ἔμπροσθέν μου γέγονεν: ὅτι πρῶτός μου ἦν.
Jean rend témoignage de lui et s'écrie, disant : C'est celui dont j'ai dit : Celui qui vient après moi m'a précédé, car il était avant moi.
16
Καὶ (N Καὶ ἐκ → Ὅτι ἐκ) ἐκ τοῦ πληρώματος αὐτοῦ ἡμεῖς πάντες ἐλάβομεν, καὶ χάριν ἀντὶ χάριτος.
Et, de sa plénitude, nous avons tous reçu, et grâce pour grâce.
17
Ὅτι ὁ νόμος διὰ Μωσέως (N Μωσέως → Μωϋσέως) ἐδόθη, ἡ χάρις καὶ ἡ ἀλήθεια διὰ Ἰησοῦ χριστοῦ ἐγένετο.
Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.
Lors de son apparition au IIe siècle av. J.-C. « le baptisme » est une forme religieuse qui reporte sur les pratiques baptismales ce qui auparavant correspondait aux pratiques sacrificielles : le salut par les baptêmes et non plus par les sacrifices, ou si l'on préfère, le salut par l'eau des baptêmes et non plus par le feu des sacrifices.
Cela répond un un changement dans la relation des Juifs à Dieu en réponse à plusieurs prophéties :
Amos 5
...20 Le jour de l'Eternel n'est-il pas ténèbres et non lumière? N'est-il pas obscur et sans éclat? 21Je hais, je méprise vos fêtes, Je ne puis sentir vos assemblées. 22Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, Je n'y prends aucun plaisir; Et les veaux engraissés que vous sacrifiez en actions de grâces, Je ne les regarde pas....
Ésaïe 1:11
Qu'ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices? dit l'Eternel. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des veaux; Je ne prends point plaisir au sang des taureaux, des brebis et des boucs.
Ésaïe 66:3
Celui qui immole un boeuf est comme celui qui tuerait un homme, Celui qui sacrifie un agneau est comme celui qui romprait la nuque à un chien, Celui qui présente une offrande est comme celui qui répandrait du sang de porc, Celui qui brûle de l'encens est comme celui qui adorerait des idoles; Tous ceux-là se complaisent dans leurs voies, Et leur âme trouve du plaisir dans leurs abominations.
Osée 8:13
Ils immolent des victimes qu'ils m'offrent, Et ils en mangent la chair: L'Eternel n'y prend point de plaisir. Maintenant l'Eternel se souvient de leur iniquité, Et il punira leurs péchés: Ils retourneront en Egypte.
Au Ier siècle, on retrouve entrant dans la catégorie des Baptistes, les Esséniens, notre témoin Jean, précisément surnommé « le Baptiste », et ses disciples très souvent évoqués par les évangélistes, ou encore l'ermite Bannous qui, au témoignage de Flavius Josèphe un temps son disciple, « prenait nuit et jour dans l'eau froide de nombreux bains de purification (Vita 11), mais aussi les hémérobaptistes qui pratiquaient eux aussi des bains quotidiens, les masbothéens, terme qui n'est peut-être qu'une traduction araméenne de « baptiste ». Tous ces groupes auraient été présents à Jérusalem, mais surtout sur les rives du Jourdain, avant de se replier vers la Transjordanie au moment de la première révolte (vers 70).
(Jean ch 1 v 25 à 37) :
25
Καὶ ἠρώτησαν αὐτόν, καὶ εἶπον (N εἶπον → εἶπαν) αὐτῷ, Τί οὖν βαπτίζεις, εἰ σὺ οὐκ εἶ ὁ χριστός, οὔτε (N οὔτε Ἠλίας οὔτε → οὐδὲ Ἠλίας οὐδὲ) Ἠλίας, οὔτε ὁ προφήτης;
Et ils l'interrogèrent encore et lui dirent : Pourquoi donc baptises-tu, si tu n'es point le Christ, ni Elie, ni le prophète ?
25
26
Ἀπεκρίθη αὐτοῖς ὁ Ἰωάννης λέγων, Ἐγὼ βαπτίζω ἐν ὕδατι: μέσος δὲ (N δὲ → -) ὑμῶν ἕστηκεν ὃν ὑμεῖς οὐκ οἴδατε.
Jean leur répondit en disant : Moi, je baptise d'eau ; mais au milieu de vous se trouve Celui que vous ne connaissez point,
27
Αὐτός (N Αὐτός ἐστιν → -) ἐστιν ὁ ὀπίσω μου ἐρχόμενος, ὃς (N ὃς ἔμπροσθέν μου γέγονεν → -) ἔμπροσθέν μου γέγονεν: οὗ ἐγὼ (N ἐγὼ οὐκ εἰμὶ → οὐκ εἰμὶ [ἐγὼ]) οὐκ εἰμὶ ἄξιος ἵνα λύσω αὐτοῦ τὸν ἱμάντα τοῦ ὑποδήματος.
Celui qui vient après moi, qui m'a précédé ; et moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure.
28
Ταῦτα ἐν Βηθανίᾳ ἐγένετο πέραν τοῦ Ἰορδάνου, ὅπου ἦν Ἰωάννης (N Ἰωάννης → ὁ Ἰωάννης) βαπτίζων.
Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait.
29
(Π) Τῇ ἐπαύριον βλέπει (Β βλέπει → βλέπει ὁ Ἰωάννης) τὸν Ἰησοῦν ἐρχόμενον πρὸς αὐτόν, καὶ λέγει, Ἴδε ὁ ἀμνὸς τοῦ θεοῦ, ὁ αἴρων τὴν ἁμαρτίαν τοῦ κόσμου.
Le lendemain, il voit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.
30
Οὗτός ἐστιν περὶ (N περὶ → ὑπὲρ) οὗ ἐγὼ εἶπον, Ὀπίσω μου ἔρχεται ἀνὴρ ὃς ἔμπροσθέν μου γέγονεν, ὅτι πρῶτός μου ἦν.
C'est celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a précédé, car il était avant moi.
31
Κἀγὼ οὐκ ᾔδειν αὐτόν: ἀλλ' ἵνα φανερωθῇ τῷ Ἰσραήλ, διὰ τοῦτο ἦλθον ἐγὼ ἐν τῷ (N τῷ ὕδατι → ὕδατι) ὕδατι βαπτίζων.
Et moi je ne le connaissais pas ; mais c'est afin qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser d'eau.
32
Καὶ ἐμαρτύρησεν Ἰωάννης λέγων ὅτι Τεθέαμαι τὸ πνεῦμα καταβαῖνον ὡσεὶ (Β ὡσεὶ → ὡς) (N ὡσεὶ → ὡς) περιστερὰν ἐξ οὐρανοῦ, καὶ ἔμεινεν ἐπ' αὐτόν.
Et Jean rendit témoignage en disant : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe, et il est demeuré sur lui.
33
Κἀγὼ οὐκ ᾔδειν αὐτόν: ἀλλ' ὁ πέμψας με βαπτίζειν ἐν ὕδατι, ἐκεῖνός μοι εἶπεν, Ἐφ' ὃν ἂν ἴδῃς τὸ πνεῦμα καταβαῖνον καὶ μένον ἐπ' αὐτόν, οὗτός ἐστιν ὁ βαπτίζων ἐν πνεύματι ἁγίῳ.
Et moi je ne le connaissais pas, mais celui qui m'a envoyé baptiser d'eau, celui-là m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est celui qui baptise de l'Esprit-Saint.
34
Κἀγὼ ἑώρακα, καὶ μεμαρτύρηκα ὅτι οὗτός ἐστιν ὁ υἱὸς τοῦ θεοῦ.
Et moi je l'ai vu, et j'ai rendu témoignage que celui-là est le Fils de Dieu.
35
(Π) Τῇ ἐπαύριον πάλιν εἱστήκει ὁ Ἰωάννης, καὶ ἐκ τῶν μαθητῶν αὐτοῦ δύο:
Le lendemain, Jean se trouvait de nouveau là avec deux de ses disciples,
36
καὶ ἐμβλέψας τῷ Ἰησοῦ περιπατοῦντι, λέγει, Ἴδε ὁ ἀμνὸς τοῦ θεοῦ.
et ayant arrêté son regard sur Jésus qui passait, il dit : Voilà l'Agneau de Dieu.
37
Καὶ ἤκουσαν αὐτοῦ (N αὐτοῦ οἱ δύο μαθηταὶ → οἱ δύο μαθηταὶ αὐτοῦ) οἱ δύο μαθηταὶ λαλοῦντος, καὶ ἠκολούθησαν τῷ Ἰησοῦ.
Et les deux disciples l'entendirent parler, et ils suivirent Jésus.
Selon les textes évangéliques, Jean Baptiste pratiquait un rite d'immersion individuelle appelé « baptême de Jean ». Ce Jean Baptiste était devenu un homme ayant acquis une certaine notoriété, son surnom de « baptiste » littéralement « l'Immergeur » dit bien l'objet de sa réputation : Ce mot dérive du grec baptizein, « plonger », « immerger ». On venait à ce dernier pour s'unir dans le baptême, dans un rite véritable d'initiation. Le but de l'acte était l'entrée signifiée, consacrée, dans un groupe d'élus.
Le baptême de Jean consistait à immerger le corps charnel dans l'eau pour le purifier, l'eau jouant ici le rôle symbolique de la Loi c'est-à-dire la Torah. C'était après une repentance un retour à la Torah (à la loi).
Tous les passages traitants de Jean Baptiste et du Baptême de Jésus sont à relier au témoignage de l'incarnation de la Parole de Dieu en Jésus et à la révélation « celui-ci est mon fils bien-aimé ».
Le témoignage de Jean Baptiste dans les textes des évangiles va bien au-delà des paroles qu'il est censé avoir prononcées. Le témoignage est à rechercher dans la symbolique et l'histoire midrashique de la complémentarité des textes. Je m'explique : non seulement Jean est le témoin mais tous les textes traitants de Jean sont autant de témoignages sur le fait que Jésus est le Messie envoyé par Dieu et qu'il est « Fils de Dieu ». Il est en quelque sorte l'accomplissement de la Promesse. « Tout est accompli ». (Jean 19,30)
Le témoignage de Jean Baptiste est plus dans son existence et son parcours que dans ses dits. En fait c'est l'existence et la vie de Jean Baptiste qui rend témoignage.
Jean Baptiste et Jésus.
Si l'on regarde le récit de la mort de Jean Baptiste on remarque que celui-ci a en effet de nombreuses similitudes (d'un point de vue structurel) au récit de la mort de Jésus. Dans les deux récits, nous sommes en la présence d'un homme qui vient appeler le peuple à la repentance, celui-ci est arrêté et condamné à mort. L'un est un Nazir (en hébreu : נזיר), c'est-à-dire une personne qui, selon la Bible hébraïque, est consacrée à Dieu par un vœu et le mot nazir vient d'un mot hébreu qui signifie étymologiquement « séparé », puis qui prit le sens de « consacré ». Le second est dit Nazaréen. Les dirigeants (Pilate ou Hérode) voudraient bien relâcher, leur prisonnier mais ils rencontrent chacun une opposition, et ils sont contraints tous d'eux de condamner celui qu'il détienne et de l'exécuter en le regrettant.
Pilate et Hérode présentent de nombreux points communs.
D'ailleurs Hérode lui-même assimile Jésus à Jean :
Mt 14, 1 - En ce temps-là, la renommée de Jésus parvint aux oreilles d'Hérode le tétrarque, qui dit à ses serviteurs : Celui-là est Jean le Baptiste !
Et cela est logique dans une construction midrashique puisque Jean est le précurseur de Jésus. Il vient après mais il était avant par ce qu'il est déjà dans la promesse, et Jean en est la première étape. Avec Jean on est en quelque sorte à la moitié du chemin, et c'est d'ailleurs pourquoi, dans la transaction entre Hérode et la fille d'Hérodiade, il représente la "moitié du Royaume". Les deux hommes (ou les deux actants, si vous préférez) sont donc des étrangers qui doivent faire face à des Juifs vindicatifs (les foules en colère qui obtiennent finalement la mort de Jésus-Jean). Pilate et Hérode, quant à eux, auraient bien voulu les libérer. Hérode par exemple, sait que "Jean est juste et saint", il l'écoute volontiers. Hérode croit à la résurrection, puisqu'il dit que Jésus est Jean ressuscité. La manière dont le récit commence, évoque celui de la reine de Saba, : Hérode entendit la renommée de Jésus calque de 1 roi ch10 v1 : « La reine de Saba, entendit la renommée de Salomon ». Ici Jésus et comparé à Salomon fils de David puisque Jésus est un descendant, de David et comme lui Messie, « Oint » et roi comme David a été Oint et roi.
C'est encore nous dire qu'Hérode a « entendu ». Certes, Jean reproche à Hérode sa conduite. Mais c'est son rôle : il est venu pour plonger les hommes dans l'eau (entendez : la Loi). Jean est en effet le précurseur du messie, comme le prophète Élie. Il reproche au peuple d'être adultère à Dieu. Pour figurer cela, le midrash dispose du terme de נידה nida (infraction aux lois sur les unions illicites, mais ici : « hérésie »). Renvoie au Lévitique 20,21 : L'homme qui prend pour épouse la femme de son frère : c'est une נידה nida.
Ce n'est pourtant pas à cause de ce reproche qu'Hérode l'arrête, mais à cause d'Hérodiade qui veut, nouvelle Jézabel, la mort du prophète (Jean/Elie). Il est important de comprendre comment le midrash révèle un « narratif caché » : c'est parce que Jean-Baptiste est Élie, (comme lui précurseur du messie) qu'il existe une Hérodiade sur le modèle de Jézabel, l'ennemie jurée d'Élie. Il y a dans l'histoire comme une redondance un air de « déjà-vu ». Pour nous dire que l'histoire est déjà écrite et qu'au travers elle, on voit le futur ou l'accomplissement de la Promesse.
Pilate comme Hérode, bien que tous deux païens, sont présentés comme plus justes que les Juifs. Ils ont « entendu », alors que les Juifs se sont endurcis. Pilate n'a-t-il pas accepté la loi en se lavant les mains ?
Zacharie le père de Jean écrit le nom de son fils (puisqu'il est rendu muet) sur une tablette לוח. [loo'-akh]. Cette tablette on la retrouve dans la demande macabre d'Hérodiade et de sa fille, mais aussi dans l'épisode de la mort de Jésus, racontée dans l'Évangile de Jean, où il devient l'écriteau, sur lequel on inscrit la mention "Roi des Juifs". cette écriteau comme la tablette qui est un recensement du nom "Jean est son nom".
La mort des deux hommes est liée à la tête, décapitation pour Jean, « lieu du crâne » (golgota) pour Jésus.
Notre texte traite aussi, d'une manière peu visible, du recensement (hébreu : pequda ou encore se et rosh, שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ littéralement : « élévation de tête », capitation).
Dans Nombres ch1 v2 il est dit : (traduction de Chouraqui) : «Relevez les têtes de toute la communauté des Benéi Israël, pour leurs clans, pour la maison de leurs pères, au nombre des noms, tout mâle, par crâne. »
שְׂאוּ אֶת־רֹאשׁ כָּל־עֲדַת בְּנֵי־יִשְׂרָאֵל לְמִשְׁפְּחֹתָם לְבֵית אֲבֹתָם בְּמִסְפַּר שֵׁמוֹת כָּל־זָכָר לְגֻלְגַּלֹתָם
« Relevez les têtes » traduit les premiers mots, שְׂאוּ אֶת־רֹאשׁ, SAW AT-RAS, Se'ou Ète-Roch : on ne dénombre pas les hommes comme on compte le bétail : chaque recensé doit « lever la tête ».
« Par crâne » traduit le dernier mot du verset, לְגֻלְגַּלֹתָם, LGLGLTM, Legoulgualotam. Ce mot à l'assonance bizarre ne peut pas ne pas frapper l'auditeur, d'autant qu'il revient encore trois fois, à la fin des versets 18, 20 et 22, pour toute la communauté et pour les deux premières tribus, celles de Ruben et de Siméon.
La traduction habituelle est « par tête », comme en Exode 16, 16 ou 38, 26 et Nombres 3, 47. Mais en Juges, 9, 53 (Abimélek) et 2Rois 9, 35 (Jézabel), גֻּלְגָּלְתּ, GLGLT, Goulgolèt signifie bien « crâne ». Et trois Évangiles sur quatre traduisent explicitement Golgotha par « lieu du crâne » :
Matthieu (27:33) : « Arrivés au lieu nommé Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne. »
Marc (15:22) : « Et ils conduisirent Jésus au lieu nommé Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne. »
Luc (23:33) : « Lorsqu'ils furent arrivés au lieu appelé crâne, ils l'y crucifièrent. »
Jean (19:17) « Ils prirent donc Jésus ; il sortit portant sa croix et vint au lieu-dit du crâne, ce qui se dit en hébreu Golgotha. »
Cela ne peut être un hasard que Jésus soit crucifier « élevée » au Golgotha « lieu du crâne ». Cela induit-il que Jésus est recensé comme le premier des fils de Dieu ? Après cela on est en droit de le supposer. Jésus-Christ est recensé car il est élevé au lieu du crâne. Ainsi en est-il du jour de Yahvé il s'agit bien d'un recensement. Dieu recense le peuple (et cela peut être en effet terrible et redoutable).
Comment le sait-on ? :
Ce recensement est de la même nature, midrashique, que celui qui intervient en Lc 2,1 : « Or, il advint, en ces jours-là, que parut un édit de César Auguste, ordonnant le recensement de tout le monde habité. »
C'est une annonce de la fin des temps, via la racine paqad פָּקַד. Ce qui signifie habituellement : Dénombrement, punir, châtier, châtiment, se souvenir, oublier, établir, surveillance, visiter, voir, vengeance, comptes, dépôt, aux soins de, avoir souci, . . .
Ainsi Le « Roi » < Dieu) va visiter-recenser son peuple.
Concluons sur le mode de production de ce passage.
Jean Baptiste vient annoncer au peuple que Dieu va le « visiter » (hébreu paqad, comme en Ruth 1,6). Ce verbe signifie aussi « recenser » mais recenser se dit également « la-set et rosh », שְׂאוּ אֶת-רֹאשׁ littéralement : élever la tête. Mais la Tête c'est aussi גלגלתא Golgotha.
Notre midrash nous renvoie à la prophétie de Malachie ch 3, v22-24.
(Voir étude chapitre 2)
כב זִכְרוּ, תּוֹרַת מֹשֶׁה עַבְדִּי, אֲשֶׁר צִוִּיתִי אוֹתוֹ בְחֹרֵב עַל-כָּל-יִשְׂרָאֵל, חֻקִּים וּמִשְׁפָּטִים.
22 Souvenez-vous de la Loi de Moïse, mon serviteur, à qui j'ai signifié, sur le Horeb, des statuts et des ordonnances pour tout Israël.
כג הִנֵּה אָנֹכִי שֹׁלֵחַ לָכֶם, אֵת אֵלִיָּה הַנָּבִיא--לִפְנֵי, בּוֹא יוֹם יְהוָה, הַגָּדוֹל, וְהַנּוֹרָא.
23 Or, je vous enverrai Élie, le prophète, avant qu'arrive le jour de l'Éternel, jour grand et redoutable !
כד וְהֵשִׁיב לֵב-אָבוֹת עַל-בָּנִים, וְלֵב בָּנִים עַל-אֲבוֹתָם--פֶּן-אָבוֹא, וְהִכֵּיתִי אֶת-הָאָרֶץ חֵרֶם. {ש}
24 Lui ramènera le cœur des pères à leurs enfants, et le cœur des enfants à leurs pères, de peur que je n'intervienne et ne frappe ce pays d'anathème.
Ce recensement royal nous renvoie aussi à la tentation de David de faire un recensement.
Or le récit du Recensement de David serait le même récit que celui de la ligature d'Isaac. Les deux récits ont en effet la même structure.
Le récit du Recensement de David présente un premier point de contact, évident, avec le récit de la ligature d'Isaac : Dieu arrête la main de l'ange au moment suprême, au comble de l'épreuve.
Puis Dieu envoya l'ange vers Jérusalem pour l'exterminer ; Mais au moment de l'exterminer, Yahvé regarda et se repentit de ce mal ; et il dit l'ange exterminateur : Assez ! Retire ta main.
2S 24, 16 ou 1Ch 21, 15
Il présente aussi un point commun avec le récit du rituel de l'agneau pascal : dans les deux cas le peuple est protégé contre un fléau (negef, magefa) dévastateur (mashHit).
On sait que le rituel de l'agneau pascal décrit en Exode 12 est justifié par ce verset : « Le sang sera pour vous un signe sur les maisons Où vous vous tenez. Je verrai le sang, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur lorsque je frapperai le pays d'Égypte » (Ex 12, 13)
Le midrash peut rapprocher par gezera shava* l'expression Je verrai le sang des passages où il est question du regard de Dieu. Le midrash lit donc par gezera shava ce « je verrai le sang » comme : je verrai le sang d'Isaac, puisqu'il est dit : « A ce lieu, Abraham donna le nom de Yahvé verra » (Gn 22, 14)
*gezera shava = comparaison d'expressions similaires. Il est probable que, étymologiquement, le mot gezerah signifie «loi» - comme dans Daniel 4: 4, 14 - de sorte que gezerah shavah signifierait une comparaison de deux lois similaires (Beẓah 1: 6; voir cependant S. Lieberman , Hellénisme dans la Palestine juive , 193ff.); Si le même mot apparaît dans deux passages pentateuchal, alors la loi applicable dans l'un doit être appliquée à l'autre. Bergman soutient (Sinai 71, 1972) qu'un gezerah shavah est l'application des lois dans un cas à un second pour obtenir un principe juridique unifié, indépendamment des différences entre les cas, en trouvant le plus souvent un mot qui apparaît dans les deux cas Par exemple, le mot be-mo'ado («dans son temps fixé ») est utilisé à la fois pour l'agneau pascal (Nombres 9: 2) et pour le tamid , l'offrande quotidienne (Nombres 28: 2). qui est offert le jour du sabbat également. On peut donc en déduire que le terme be-mo'ado comprend le sabbat et que, par conséquent, l'agneau pascal peut être offert même le jour du sabbat, bien que le travail normalement interdit le jour du sabbat (Pes. 66a).
Mais ce serait une erreur de croire que le lien entre le rituel de l'agneau pascal et celui de la ligature d'Isaac est seulement d'ordre technique (le procédé de la gezera shava serait alors arbitraire). Les deux récits sont profondément liés car ils répondent au même schéma eschatologique de base : Au comble de l'épreuve, Dieu intervient en inversant les choses.
Ce n'est qu'à partir de cette identité de base que le midrash organise son jeu de piste habituel et qu'il dispose ici et là des traces que nous n'avons plus qu'à suivre : il nous dit par exemple que la עֲקֵידָה 'Aqeda (la ligature d'Isaac) eut lieu le jour de פֶּסַח, PessaH (le jour de l'ingestion de l'agneau pascal).
Le récit du Recensement de David qui est relié par le midrash ces deux autres récits (rituel de l'agneau pascal et 'Aqeda) obéirait alors au même schéma. Il nous parlerait d'eschatologie.
Nous serions donc dans un contexte d'Epreuve. L'exil égyptien est l'Epreuve par excellence, la ligature d'Isaac est la même Epreuve. Dieu éprouva Abraham. Dans le livre des Jubilés, c'est le Diable (mastma est celui qui éprouve, racine st) qui suggère à Dieu d'éprouver Abraham. Mais ici mastma ne doit pas être compris comme une entité un ange déchu mais comme « le doute ». Peut-être Abraham n'aime-t-il Dieu que du fait de la promesse d'un fils. Mais si ce fils venait manquer ?
Ici aussi, Dieu (ou Satan) (en Satan comprendre celui qui divise l'ego) éprouve David (vayaset et David, racine st). Mais en quoi ? En quoi consisterait précisément l'épreuve de David ? Pour le comprendre, il faut revenir à l'hébreu. Le recensement (pqd) signifie aussi la Visitation et évoque midrashiquement la fin des temps (voir Malachie ch 3, v22-24.). Le texte grec de la Septante situe d'ailleurs l'action l'époque de la moisson des blés.
David prend le risque du Jugement et donc celui de la remontrance. Un midrash indique que lors du Recensement de David il n'y eut pas de collecte du demi-sicle qui aurait permis l'expiation. David, par précipitation, aurait oublié la capitation. Comme dans le récit de la Ligature d'Isaac, c'est en s'abandonnant à Dieu, en acceptant que la punition vienne de la main de Dieu, et en s'offrant lui-même en sacrifice ( à la place du peuple, toujours) préfigurant le sacrifice du Messie, que David fait cesser la punition. David refait alors le geste d'Abraham, il achète le lieu où sera construit le temple. Le récit de l'épreuve de la ligature d'Isaac était suivi de l'achat de la grotte de Makhpela, l'épreuve du Recensement de David sera donc suivie par l'achat d'une aire Ornan.
Dieu aurait donc tenté David. Non pas en lui demandant de sacrifier son fils. Mais en l'incitant à "hâter la fin". C'est la tentation de l'eschatologie au sens étymologique : connaître les choses de la Fin et la fin des choses. Autre formulation : La tentation résiderait dans la vérification de la promesse. La promesse était celle d'une postérité innombrable (ein mispar, pas-de-compte). David cède à la tentation de vérifier si la promesse est accomplie, il accepte qu'Israël soit pesé (mn) compté et donc jugé. Et comme Israël est très fautif, comme chacun sait, c'est une véritable hécatombe que déclenche David, ce qui n'est pas la première chose qu'on attend d'un berger. Curieusement, pour que l'hécatombe cesse, David doit acheter un champ et faire des sacrifices. Akeldama est le nom Araméen du champ du Sang, ou champ du Potier, acheté avec les trente pièces d'argent obtenues par Judas Iscariote des grands prêtres de Jérusalem pour la dénonciation de Jésus de Nazareth. Deux traditions différentes existent : la première (Matthieu 27, 3-8) fait des grands prêtres eux-mêmes les acheteurs de ce champ :
« Alors Judas, qui l'avait livré, voyant qu'il avait été condamné, se repentit, et il rapporta les trente pièces d'argent aux grands prêtres et aux anciens, en disant : « J'ai péché en livrant un sang innocent » Et ceux-ci dirent : « Que nous importe ? A toi de voir ! » Et, ayant jeté l'argent dans le Sanctuaire, il se retira et s'en alla se pendre. Les grands prêtres prirent l'argent et dirent : « Il n'est pas permis de le mettre dans le trésor, puisque c'est le prix du sang » Après avoir tenu conseil, il en achetèrent le champ du Potier, pour la sépulture des étrangers (des gentils) des non juifs. C'est pourquoi ce champ s'est appelé "champ du Sang" jusqu'à ce jour.
L'autre tradition (Actes des Apôtres 1, 18) fait de Judas l'acheteur du champ :
« Cet homme donc a acquis un champ avec le salaire de son injustice et, tombant la tête en avant, a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues. Et la chose a été connue de tous les habitants de Jérusalem, en sorte que ce champ a été appelé dans leur langue Akeldama, c'est-à-dire champ du Sang ».
Le sacrifice de la croix par l'achat du « champs du potier » avec le prix du sang étend la grâce au non juifs. Si cette hypothèse est correcte, ce passage serait une charge contre ceux qui seraient tentés par l'idée de "hâter la fin". Il serait en revanche un plaidoyer pour cette idée qu'Israël a, en attendant, encore besoin du Temple et des sacrifices. Mieux vaut une expiation imparfaite mais continue, via le Temple et les sacrifices, que l'expiation définitive de la fin des temps qui risque bien de ressembler une hécatombe. L'Épître aux Hébreux, texte messianiste radical qui veut l'expiation totale ici et maintenant, dira bien entendu exactement l'inverse: ....nous sommes sanctifiés par le sacrifice du corps de Jésus Christ, une fois pour toutes. Tandis que tout prêtre se tient debout chaque jour, officiant et offrant maintes fois les mêmes sacrifices, qui sont absolument impuissants enlever des pêchés, lui au contraire, ayant offert pour les péchés un unique sacrifice, il s'est assis pour toujours la droite de Dieu (Hb 10, 10-12).
Un des sens de ce passage serait une fois de plus construit sur l'idée de "mesure pour mesure". Si l'homme compte, Dieu compte (les fautes) si l'homme ne compte pas, mais s'abandonne, Dieu ne compte pas.
Le recensement annoncé dans Malachie ch3 « le recensement royal » est donc bien l'agent qui déclenche la « frappe de ce pays d'anathème » il faut un sacrifice royal pour empêcher l'hécatombe du jugement. Vous comprenez maintenant la suite et la fin.
Les recensements
שְׂא֗וּ אֶת־רֹאשׁ֙ כָּל־עֲדַ֣ת בְּנֵֽי־יִשְׂרָאֵ֔ל לְמִשְׁפְּחֹתָ֖ם לְבֵ֣ית אֲבֹתָ֑ם בְּמִסְפַּ֣ר שֵׁמ֔וֹת כָּל־זָכָ֖ר לְגֻלְגְּלֹתָֽם׃ מִבֶּ֨ן עֶשְׂרִ֤ים שָׁנָה֙ וָמַ֔עְלָה כָּל־יֹצֵ֥א צָבָ֖א בְּיִשְׂרָאֵ֑ל תִּפְקְד֥וּ אֹתָ֛ם לְצִבְאֹתָ֖ם אַתָּ֥ה וְאַֽהֲרֹֽן׃
« Relevez les têtes de toute la communauté des enfants d'Israël, selon leurs familles, selon leurs maisons paternelles, au nombre des noms, tout mâles, par crâne : depuis l'âge de vingt ans et plus, tous ceux d'Israël sortant à l'armée, vous les compterez* pour leurs armées, toi et Aharon » (Nombres 1, 2-3).
* André Chouraqui traduit : « Recensez-les »
Le livre de la Torah qui commence avec cette paracha est nommé Bamidbar selon un des mots de son premier verset. Dans la Septante (la traduction grecque), puis dans la Vulgate (la traduction latine) ce livre a reçu le titre de « Nombres » à cause des recensements qu'on y trouve. Les enfants d'Israël sont dénombrés par Moïse et Aharon à la demande de Yahvé (Nombres 1,20-46); les Lévites (Nombres 14-39) et les Anciens (Nombres 3,40-51) sont aussi dénombrés en particulier. Dans la paracha Pin'has - dans ce même livre de Nombres - un nouveau recensement est effectué après la traversée du désert et ses épreuves (Nombres 26). Dans le même ordre d'explication, le recensement effectué après la faute du veau d'or servait à compter les rescapés (Exode 30, 12).
L'étude de la Torah - même des pages les plus connues - doit faire surgir des questions à chaque lecture. Ici, on ne peut manquer de s'interroger : pourquoi Yahvé qui sait tout, demande-t-Il à Moïse de procéder à des recensements ? Yahvé n'a certes pas besoin d'attendre la fin du décompte pour en connaître le résultat à l'unité près ! Alors qu'est-ce que cela signifie ?
Un recensement pour faire de la collectivité d'Israël une entité globale.
Un premier niveau de réponse est fourni par le sens littéral (pechat) : le premier recensement visait à mettre en place l'armée ; il fallait donc connaître quel était le total des hommes de plus de vingt ans. Le deuxième recensement avait aussi un but utilitaire : préparer la répartition de la terre d'Israël entre tribus. Ces dénombrements marquaient la transformation des anciens esclaves en un peuple organisé avec une armée, des prêtres.... Les conséquences de cette organisation étaient grandes. Le Sforno זצ״ל explique : « Dans le quatrième livre, il est relaté comment [Dieu] a voulu montrer son amour [aux enfants d'Israël] en organisant leur camp comme celui du Char divin (Merkava), tel qu'il est décrit par les Prophètes, et Son intention était qu'ils se déplacent de la même manière qu'ils campaient, de manière à pouvoir entrer sur la terre sans avoir à combattre avec des armes » (Sforno, Introduction au livre des Nombres, cit. D. Saada (2006), Le pouvoir de bénir, Bibliophane, Paris. pp. 338-339.)
David Saada résume le propos : « le camp d'Israël ainsi structuré, est le véhicule de la Chékhina. Ses déplacements font rayonner la Présence divine dans les lieux où elle est occultée, et c'est pourquoi les populations cananéennes, fermées au contact avec Yahvé n'étaient pas en mesure de supporter le "choc" spirituel de la rencontre avec Israël » (D. Saada (2006), p. 338.). Elles devaient s'effondrer « face à la lumière éblouissante des armées de la sainteté. L'ère messianique, c'est-à-dire le devenir universel du message de la Torah, aurait alors commencé immédiatement » (D. Saada (2006), p. 339). Mais les choses n'ont pu évoluer de la sorte ; l'ère messianique avait été repoussée après la faute du premier couple ; elle l'a été une fois de plus après la faute du veau d'or. Le travail spirituel des enfants d'Israël devait donc se poursuivre pendant un plus grand nombre de générations, jusqu'à la venue du Messie.
Les recensements préparent la venue du Messie.
La racine פקד se retrouve dans d'autres passages de la Torah en relation avec la sortie d'Egypte. À la fin du livre de Genèse, on lit : וַיַּשְׁבַּ֣ע יוֹסֵ֔ף אֶת־בְּנֵ֥י יִשְׂרָאֵ֖ל לֵאמֹ֑ר פָּקֹ֨ד יִפְקֹ֤ד אֱלֹהִים֙ אֶתְכֶ֔ם וְהַֽעֲלִתֶ֥ם אֶת־עַצְמֹתַ֖י מִזֶּֽה׃ « Yossef fit jurer les enfants d'Israël en disant : Dieu rappelé, se rappellera à vous et vous ferez monter mes ossements d'ici. » (Genèse 50, 25) (Traduction de David Saada. Le P. Darby traduit : « Certainement Dieu vous visitera, et vous ferez monter d'ici mes os ». Il insiste sur la connotation « visiter » de la racine פקד. André Chouraqui traduit « vous sanctionnera, il vous sanctionnera ».) Un passage des Nombres contient aussi cette racine : לֵ֣ךְ וְאָֽסַפְתָּ֞ אֶת־זִקְנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֗ל וְאָֽמַרְתָּ֤ אֲלֵהֶם֙ יְהוָ֞ה אֱלֹהֵ֤י אֲבֹֽתֵיכֶם֙ נִרְאָ֣ה אֵלַ֔י אֱלֹהֵ֧י אַבְרָהָ֛ם יִצְחָ֥ק וְיַֽעֲקֹ֖ב לֵאמֹ֑ר פָּקֹ֤ד פָּקַ֨דְתִּי֙ אֶתְכֶ֔ם וְאֶת־הֶֽעָשׂ֥וּי לָכֶ֖ם בְּמִצְרָֽיִם׃ « Va, rassemble les anciens d'Israël et dis-leur : Yahvé le Dieu de vos pères m'est apparu, le Dieu d'Abraham, de Yits'hak et de Ya'akob, en disant : rappeler, Je Me suis rappelé de vous et de ce qui vous est fait en Égypte » (Nombres 3, 16). On le voit, Yahvé utilise dans ce verset les mots employés par Yossef, en son temps.
Le recensement mentionné dans la présente paracha n'est pas une exception dans l'histoire d'Israël qui en a compté dix en tout selon le midrash raba. La Torah en présente cinq ; le Tanakh en présente quatre autres. Quant au Midrash (Bamidbar Raba 2, 1, cit. David Saada (2006), pp. 336-342.) il annonce le dixième pour l'époque du Machia'h. (Mais la date ne nous est pas connue. Ya'akob ne put la révéler lorsqu'il bénit ses enfants (Genèse 49, 1).
Bien que les recensements soient interdits par la Torah, plusieurs ont été effectués, certains pouvant avoir des raisons légitimes. Mais ils n'en restent pas moins potentiellement dangereux, comme on le voit bien avec les conséquences de celui organisé par David ( 2 Samuel ch24, 1-2). R' Yéhouda Askénazi זצ"ל explique la raison de cette dangerosité (Noter le double sens du mot מוֹנֶה: « compter » mais aussi « oppresser » Cohn M.M. (1979), Dictionnaire Hébreu-Français, Larousse, p. 349.) : « Le fait de dénombrer un groupe humain revient en fin de compte à poser la question : combien d'individus sont dignes de porter l'identité du groupe ? ... Autrement dit combien d'individus sont dignes de porter le nom d'enfant de Dieu ? Par conséquent, lorsqu'il y a un dénombrement, c'est une mise en jugement de chaque personne de chaque individu qui se fait... Le fait de dénombrer c'est interpeller chacun... et le faire passer en jugement : mérites-tu ce nom qu'on t'a donné d'Israël ? ».
Le Midrash écarte le caractère utilitaire des recensements, ce qui nous conduit à en rechercher la signification spirituelle dans la perspective de l'aboutissement de l'histoire d'Israël : c'est-à-dire dans la perspective de la venue du Messie. Rabbi Moché Haïm Lussato זצוק"ל précise le processus ( Ram'hal, Maamar HaGuéoula, cit. David Saada (2006), p. 341.) : l'avènement des temps messianiques comprendra deux phases. La première consiste en une pékida (פקידה, rappel divin/ « recensement ») ; la seconde est la zékhira (זכירה, mémoire) (Noter le double sens du mot פקידה: « recensement » mais aussi « souvenir » (Cohn M.M. (1979), Dictionnaire Hébreu-Français, Larousse, p. 557).). C'est lors de cette dernière que « se déploient toutes les promesses divines, qui jusque-là étaient restées à l'état virtuel, comme des traces mnémoniques non activées » (D. Saada (2006), p. 341.). La pékida a un sens qui va bien au-delà du dénombrement des enfants d'Israël ; elle indique le moment où tous les individus du peuple d'Israël retrouvent leur potentiel spirituel et, le cas échéant, font téchouva. Cette énergie collective suscitera la seconde phase, la zekhira qui mènera à la révélation de la Chékhina avec la venue du Messie. (D'après le Ram'hal. D. Saada précise : « Ce que la pékida, la 'Visitation' divine, recherche à travers le mifkad, le recensement, c'est l'activation du tafkid, de la mission unique assignée à chaque âme d'Israël dans la mise en œuvre de l'avènement messianique. Cette activation n'est pas immédiate ».)
Ainsi le jour de Yahvé (si terrible pour ceux qui ne reconnaissent pas le Messie) ouvre son aire avec la croix et la résurrection du Fils de Dieu. C'est à partir de la Croix dressée sur le Golgotha "lieu du crâne," donc lieu du recensement que chaque humain peut être recensé comme Fils de Dieu au travers le Christ ressuscité. Le premier recensé hormis Jésus lui-même fut le larron crucifié à son côté.
C'est donc au travers de la vie du Baptiste que l'on découvre le recensement qui est le "Jour de Yahvé ainsi s'achève la prophétie et Jésus de conclure "Tout est achevé".