Etude sur Jean Baptiste- (Seconde partie)
Midrash sur Jean Baptiste et le retour d'Élie.
Le midrash va nous permettre de comprendre ce que nous enseignent les Évangiles au sujet de Jean Baptiste. Nous trouvons en (Lc 1,59 à 66) sept versets qui nous expliquent la manière dont Jean (YoHanan) reçut son nom, Là se trouve la clef de notre élaboration midrashique sur Jean Baptiste et Élie.
Nous allons voir que cette élaboration porte sur la circoncision, moment où l'enfant juif reçoit son nom ; sur la tablette sur laquelle Zacharie (père de Jean) écrit le nom de son fils et donc sur la notion d'écriture, et notamment sur une inscription un peu particulière, celle du recensement du grec άπογράφω (apographô) qui signifie se faire inscrire.
Notre analyse midrashique portera sûr : le nom YoHanan, la circoncision, le silence de Zacharie, l'imposition du nom sur une tablette, l'évocation d'Élie, le fait que Zacharie reparle, l'iconologie relative à Jean Baptiste : Jean au désert, ses vêtements, la présence de l'agneau, le fait que Jésus parle d'un roseau, etc.
- Portrait physique et moral de Jean le Baptiste.
a) La naissance de Jean le Baptiste est annoncée par un messager en ces termes :
(Je traduis par "messager" car c'est la traduction littérale du texte grec qui écrit Ἄγγελος" (angélos) qui veut dire messagers en grec.)
"[..] Il sera grand devant le Seigneur, il ne boira ni vin ni boisson fermentée ; il sera rempli d'Esprit Saint dès le sein de sa mère, et il ramènera de nombreux fils d'Israël au Seigneur leur Dieu. Il marchera devant lui, avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à la prudence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé." (Lc 1, 15-17).
Nombres 6: 1
Texte massorétique :
ב דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם: אִישׁ אוֹ-אִשָּׁה, כִּי יַפְלִא לִנְדֹּר נֶדֶר נָזִיר--לְהַזִּיר, לַיהוָה.
2 "Parle aux enfants d'Israël et dis-leur: Si un homme ou une femme fait expressément vœu d'être nazir, voulant s'abstenir en l'honneur de l'Éternel,
ג מִיַּיִן וְשֵׁכָר יַזִּיר, חֹמֶץ יַיִן וְחֹמֶץ שֵׁכָר לֹא יִשְׁתֶּה; וְכָל-מִשְׁרַת עֲנָבִים לֹא יִשְׁתֶּה, וַעֲנָבִים לַחִים וִיבֵשִׁים לֹא יֹאכֵל.
3 il s'abstiendra de vin et de boisson enivrante, ne boira ni vinaigre de vin, ni vinaigre de liqueur, ni une infusion quelconque de raisins, et ne mangera point de raisins frais ni secs.
Dans ce texte, l'intention rédactionnelle est évidente, le texte nous dit que Jean Baptiste est un Nazir d'une part, et la fin du verset fait référence à Malachie 3,23 et 24 donc qu'il est l'image d'Élie, cela est clairement exprimé. Mais ici, Jean Baptiste n'est pas Élie, et pour cause, puisque son père est Zacharie, et sa mère, Élisabeth, alors qu'Elie selon les Ecritures est sans père ni mère sans généalogie. Ici le nom du père Zacharie renvoie au prophète du même nom qui dans la Bible précède le livret de Malachie qui nous renseigne sur la mission d'Élie. Jean Baptiste serait donc une forme de réincarnation d'Élie, s'il tentait qu'Élie soit mort ! Or la tradition juive dit qu'il est vivant. D'autre part dans le texte il est bien précisé que cet enfant marchera devant Dieu « avec l'esprit et la puissance d'Élie », et non en tant qu'Élie lui-même.
On peut aussi voir une intention du rédacteur dans l'attribution à Jean Baptiste d'un père de la tribu de Lévi : Zacharie, en effet, était prêtre « de la classe d'Abia et il avait pour femme une descendante d'Aaron, dont le nom était Élisabeth" (Lc 1, 5). Mais en fait, dans la Tradition orale juive et le midrash - parmi d'autres opinions au sujet de l'origine d'Élie - on trouve, avec insistance, celle qui le fait appartenir à la tribu sacerdotale, par exemple: « Élie le Prophète, de la famille d'Aaron... » (Midrash Tehillim (Shoher Tov) sur le Ps. 43.) La présence de ce détail dans l'Évangile de Luc n'est donc pas une "invention chrétienne" mais était une chose enseignée par les rabbins.
"Il marchera devant lui, avec l'esprit et la puissance d'Élie, pour ramener le cœur des pères vers les enfants et les rebelles à la prudence des justes, préparant au Seigneur un peuple bien disposé." Ce verset fait référence à la finale de Malachie 3 ou Dieu annonce sa venue précédée par le prophète Élie, 3,23 : "Voici, je vous envoie le prophète Élie avant la venue du grand et terrible jour de Yahvé. "
b) Au physique, Jean le Baptiste est décrit par Matthieu, et Marc en ces termes :
"Or, ce Jean avait un vêtement de poil de chameau, et une ceinture de cuir autour de ses reins " (Mt 3, 4).6
"Jean était vêtu de poils de chameau, il avait une ceinture de cuir autour de ses reins, " (Marc 1,6)
On ne peut, évidemment, s'empêcher de penser à la description d'Élie le Tishbite, qui nous est fait en 2 R 1, 8 : " Ils lui répondirent: C'était un homme vêtu de poil et ayant une ceinture de cuir autour des reins. Et Achazia dit : C'est Élie, le Thischbite."
Toutefois, il ne faut pas oublier qu'un tel accoutrement était courant dans l'Ancien Testament, chez les prophètes, en particulier le manteau en poils de chameau. Celui que relate Mt 3, 4 et Mc 1,6 correspond, mot pour mot, en grec, comme en hébreu à celui dont parle le prophète Zacharie :
(Version des Septante) ZAC 13, 4, :
καὶ ἔσται ἐν τῇ ἡμέρᾳ ἐκείνῃ καταισχυνθήσονται οἱ προφῆται, ἕκαστος ἐκ τῆς ὁράσεως αὐτοῦ ἐν τῷ προφητεύειν αὐτόν, καὶ ἐνδύσονται δέρριν τριχίνην ἀνθ ὧν ἐψεύσαντο.
Et ce jour-là voici ce qui arrivera : les prophètes menteurs seront confondus, chacun par la vision même pour laquelle il aura prophétisé, et ils se ceindront de cilice de crin, parce qu'ils auront menti.
(Version Massorétiques) même passage : Zac 13,4 :
ד וְהָיָה בַּיּוֹם הַהוּא, יֵבֹשׁוּ הַנְּבִיאִים אִישׁ מֵחֶזְיֹנוֹ--בְּהִנָּבְאֹתוֹ; וְלֹא יִלְבְּשׁוּ אַדֶּרֶת שֵׂעָר, לְמַעַן כַּחֵשׁ.
4 Aussi, en ce jour, les prophètes auront-ils tous honte de leurs visions, lorsqu'ils voudront prophétiser ; ils ne revêtiront plus le manteau de poil pour mieux tromper.
Jean Baptiste répondait-il au texte de Zacharie Massorétiques ou celui de la Septante ? Autrement dit Marc et Matthieu sont-ils en train de nous dire que Jean Baptiste était un prophète menteur couvrant son mensonge d'un manteau de poils de chameau comme dans Zacharie 13, 4 ? Même Luc nous met sur la piste de Zacharie quand il nous dit : "C'est alors que la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert, 3 et Jean parcourut toute la région du Jourdain ; il prêchait le baptême de repentance pour le pardon des péchés"
Dans le verset suivant Zacharie nous dit :
Version de la Septante :
καὶ ἐρεῖ Οὔκ εἰμι προφήτης ἐγώ, διότι ἄνθρωπος ἐργαζόμενος τὴν γῆν ἐγώ εἰμι, ὅτι ἄνθρωπος ἐγέννησέν με ἐκ νεότητός μου.
Et chacun d'eux dira : Je ne suis point prophète ; je suis un homme travaillant la terre, et c'est un homme qui m'a donné le jour, et m'a ainsi élevé depuis ma jeunesse.
Version Massorétique :
ה וְאָמַר, לֹא נָבִיא אָנֹכִי: אִישׁ-עֹבֵד אֲדָמָה אָנֹכִי, כִּי אָדָם הִקְנַנִי מִנְּעוּרָי.
5 Chacun d'eux dira : "Je ne suis point prophète, je suis un homme qui travaille la terre, car dès ma jeunesse quelqu'un m'avait acquis."
Que dit Jean Baptiste dans Jean :
19 C'est ici le témoignage de Jean, (baptiste) lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des lévites pour lui demander : Qui es-tu? 20 Il le confessa, et ne le désavoua point; il le confessa en disant : Je ne suis point le Christ (comprendre ici oint, messie, de Dieu) . 21 Qu'es-tu donc, lui demandèrent-ils? Es-tu Élie? Et il dit : Je ne le suis point. Es-tu le prophète ? Et il répondit : Non. 22 Ils lui dirent donc : Qui es-tu ? Afin que nous rendions réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même ? 23 Il dit : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Esaïe.
Jean Baptiste en niant être le Christ ne nie pas en fait être Jésus (qui n'est pas encore dit Christ) mais de ne pas être un Nazir c'est-à-dire une personne consacrée, ointe, pour Dieu, ce qui ne correspond pas à la description que nous fait le messager de Dieu dans le texte de Luc. En suite en niant être Élie, et en niant même être un prophète il répond à la prophétie de Zacharie 13,5 : "Chacun d'eux dira : "Je ne suis point prophète, ? " Et le manteau de poil de chameau : "les prophètes menteurs seront confondus, chacun par la vision même pour laquelle il aura prophétisé, et ils se ceindront de cilice de crin, parce qu'ils auront menti."
Nous verrons plus loin la confusion de Jean Baptiste quand il envoie ses disciples interroger Jésus en lui demandant "es-tu celui qui doit venir ?" (Matthieu 113) alors qu'il avait prophétisé au début lors du baptême de Jésus en disant en Jean 1 : 29,30 : " Jésus venant à lui, et il dit : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C'est celui dont j'ai dit : Après moi vient un homme qui m'a précédé, ...etc.." On retrouve donc bien ici une certaine confusion chez Jean Baptiste, confus par cela même qu'il a prophétisé peut de temps avant.
Suite de Zacharie :
"Je suis un homme travaillant la terre" dit Zacharie 13,5 cela nous renvoie à l'image de Cain qui était laboureur (Ge 4:1 et 2) : "1 Adam connut Ève, sa femme ; elle conçut, et enfanta Caïn et elle dit : J'ai acquis un homme avec l'aide de l'Éternel. 2 Elle enfanta encore son frère Abel. Abel fut berger, et Caïn fut laboureur."
Lorsque Ève l'eut mis au monde, elle dit : « J'ai acquis (קָנִיתִי) (qânîtî) un homme par Yahvé. » (Gen., IV, 1; Cf. Gen., XIV, 19; Prov., VIII, 22). (קָנִיתִי) (qânîtî) peut-être traduit par : obtenir, acquérir, créer, acheter, posséder. C'est le même terme qui est utilisé ici dans le verset 5 de Zacharie. Or dans le texte Massorétique de Zacharie : " car dès ma jeunesse quelqu'un m'avait acquis." Fait allusion à Cain image d'Esaü, image d'Élie, image de Jean Baptiste. Ainsi les quatre évangélistes nous font remonter Jean Baptiste spirituellement à Esaü et donc à l'image de Cain. Cela, je le reconnais peut nous choquer car on ne nous a jamais présenté Jean Baptiste de cette façon ! Mais continuons notre midrash.
Malachie chapitre 1, 2-3 :
"Je vous ai aimés, dit le Seigneur, et vous avez dit : En quoi donc nous as-Tu aimés ? Ésaü n'était-il pas le frère de Jacob ? dit le Seigneur ; n'ai-Je point aimé Jacob et pris en haine Ésaü ? J'ai voulu que ses confins fussent dévastés, et que son héritage devînt comme les maisons du désert."
Qui à sa maison au désert ? Celui qui habite dans le désert !
"C'est alors que la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert, "
Toutefois, l'insistance de l'Évangile sur la nourriture de Jean-Baptiste, qui consistait en sauterelles et miel sauvage, n'a pas son équivalent pour Élie dans l'AT. Mais Marc et Matthieu veulent nous dire quelque chose au travers ce régime alimentaire de Jean Baptiste, car sinon quel intérêt de s'étendre sur ce que mangeait Jean Baptiste ! Or la nourriture est chose importante, elle nous renvoie souvent dans la Bible et dans le midrash à l'image de notre nourriture spirituelle, de quoi notre cœur et notre esprit se nourrissent.
Sauterelles et miel sauvage.
Cependant nous sommes en présence d'une ambiguïté. Tout comme le personnage qu'est Jean Baptiste, il est prophète mais il le nie, il est l'image d'Élie et il le nie, il est nazir et donc oint et il le nie. Les sauterelles dans le grec du Nouveau Testament, ἀκρίς (akris) (d'où : acridiens), furent la 8eme plaie d'Égypte. Le prophète Joël (Joe 2:1,11) en donne une description très exacte quoique poétique, et dont les termes sont choisis pour s'appliquer en même temps aux dévastations d'une armée. Cette comparaison d'une invasion ennemie avec une invasion de sauterelles se retrouve plusieurs fois (Jug 6:5 7:12, Jer 46:23). Elle est passée dans le tableau apocalyptique fort élaboré de Apo 9:3,11 ; l'idée de ce fléau, inspirée par 1e souvenir de la plaie d'Égypte et de la prophétie de Joël, s'y combine avec des conceptions astrologiques : les sauterelles destructrices pendant cinq mois (verset 5,10), durée moyenne de la vie de ces insectes, ne dévastent pas en dévorant il leur est interdit de toucher aux plantes (verset 4) mais en piquant les hommes avec un aiguillon de scorpion ; on entrevoit ici des signes du zodiaque : le Scorpion et le Sagittaire, celui-ci un centaure, auquel fait penser la description des sauterelles à corps de cheval et à visage d'homme (verset 7). Donc les sauterelles ont ici l'image de "l'alimentation" apocalyptique qui est ici la base de la nourriture spirituelle de Jean-Baptiste, comme sa théologie est apocalyptique ainsi est sa nourriture.
Par contre dans la Bible le miel est une nourriture utile et saine, qui doit cependant être prise avec modération. Sa douceur suggère naturellement la satisfaction que l'on éprouve à l'égard de choses bonnes, mais qui devient un piège pour l'âme au moment où elle commence à alimenter l'orgueil et l'égoïsme (Proverbes 25 : 16 ; 24 : 13, 14). Le miel était défendu dans les sacrifices offerts à Dieu (Lévitique 2:11) : Dieu n'accepte pas ce qui provient du cœur de l'homme, toujours rusé et orgueilleux.
La parole de Dieu est souvent comparée au miel (Psaumes 19:10 ; 119:103 ; Ézéchiel 3:3 ; etc.) ; mais il faut faire attention de la laisser agir sur la conscience, afin qu'elle ne devienne pas un moyen de nous flatter, en pensant qu'éclairés par elle nous connaissons ce que d'autres ne savent pas.
Aussi longtemps que nous trouvons notre joie dans sa parole parce qu'elle est de Dieu, et à cause de la douceur que l'âme y trouve, la conscience étant exercée devant Dieu, l'on est gardé de l'égoïsme, et l'on peut sympathiser avec le prophète qui en « mangeait ». En même temps il dut en éprouver la conséquence dans un monde pécheur qui ne veut pas de Dieu ni de sa parole (Jérémie 15:15, 16 ; 20:9).
Le miel est considéré comme donnant du discernement :
Comparez à Ésaïe 7:14-15 qui est considéré comme une prophétie sur Jésus-Christ (texte Massorète) :
לָכֵן יִתֵּן אֲדֹנָי הוּא, לָכֶם--אוֹת : הִנֵּה הָעַלְמָה, הָרָה וְיֹלֶדֶת בֵּן, וְקָרָאת שְׁמוֹ, עִמָּנוּ אֵל.
14 Ah certes ! Le Seigneur vous donne de lui-même un signe : Voici, la jeune femme est devenue enceinte, elle va mettre au monde un fils, qu'elle appellera Immanouel.
טו חֶמְאָה וּדְבַשׁ, יֹאכֵל--לְדַעְתּוֹ מָאוֹס בָּרָע, וּבָחוֹר בַּטּוֹב.
15 Il se nourrira de crème et de miel, jusqu'à ce qu'il ait du discernement pour repousser le mal et choisir le bien.
Ici Ésaïe annonce que "Jésus" se nourrira de crème (lait) et de miel. Notons cette différence avec Jean Baptiste, qui se nourrit de sauterelles et de miel, et il ajoute : "jusqu'à ce qu'il ait du discernement pour repousser le mal et choisir le bien." Le mot important "avoir du discernement".
C'est aussi le cas de Jonathan (1 Samuel 14:29).
"Jonathan répondit "Mon père a fait tort au pays: voyez donc comme mes yeux se sont éclaircis, pour avoir goûté un peu de ce miel!"
Samson trouva du miel dans le cadavre du lion, et son énigme montre comment Dieu fait tourner toute la force de l'ennemi en un moyen de rafraîchir l'âme de celui qui se confie en Lui. L'excellence de la parole de Dieu pour le croyant est comme une nourriture solide adoucie par le miel (Psaume 81:13, 16, Exode 16:31).
Que nous disent les auteurs de ce passage d'Évangile ? Que Jean-Baptiste se nourrissait (spirituellement parlant) de parole de Dieu symbolisé par le miel mais aussi des prophéties apocalyptiques symbolisées par les sauterelles ce qui faussait son discernement. Voilà le sens de se nourrir de sauterelles et de miel contrairement à Jésus nourrit de crème (de lait dit la Septante) et de miel. C'est la promesse de Dieu à Israël de lui donner un pays ou coule le lait et le miel. C'est-à-dire un pays de douceur. (1 Pierre 2, 1 et 2) :
"Rejetant donc toute malice et toute ruse, la dissimulation, l'envie, et toute médisance, désirez, comme des enfants nouveau-nés, le lait spirituel et pur, afin que par lui vous croissiez pour le salut,"
Dans une civilisation pastorale, comme celle des Hébreux, le lait est d'une importance vitale. On voit Yaël donner du lait à boire à Sisera (Jg 4,19; 5,25). C'est ainsi que Moïse chante son action de grâce à Yahvé parce qu'il nourrit son peuple, « lui fait goûter le miel du rocher..., le lait caillé des vaches et le lait des brebis » (Dt 32,13-14).
En fait Jean Baptiste me fait penser à ces chrétiens qui lissent leur Bible en se focalisant sur les prophéties apocalyptiques et font de l'apocalypse de Jean leur livre de chevet.
En ce qui concerne le vêtement.
Ce vêtement en poil de chameau, est également un renvoi à une histoire plus ancienne de la Bible, celle d'Ésaü et de son frère jumeau Jacob (Genèse 25:25). Ésaü était, dès sa naissance, poilu comme un singe. Il est la figure de l'homme animal. Son jumeau Jacob est la figure de l'homme spirituel, apparemment faible mais qui doit avoir la première place. Ésaü précède Jacob à la naissance, mais Jacob est choisi par Dieu et deviendra Israël le peuple qui lutte avec Dieu. Ici nous sommes en présence de Jean-Baptiste qui comme figure d'Ésaü précède le Messie Jésus figure d'Emmanuel Dieu avec nous (ou Dieu parmi nous). Comme Ésaü et Jacob les "frères ennemis" le passé et le nouveau, deux conceptions de la venue du royaume de Dieu qui s'affrontent l'un avec le feu et le sang, et le jugement dans une forme apocalyptique, l'autre dans l'Amour de l'autre.
La relation entre Jacob et Esaü, les jumeaux enfantés par Rivka, l'épouse du Patriarche Isaac après de longues années de stérilité, est traité dans la paracha Toldot.
Or une lecture superficielle de ce passage de (Genèse 25:25) peut nous donner l'impression qu'Esaü est un brave garçon pas très malin constamment berné par son frère. Deux épisodes, racontés dans la paracha sont connus et accréditent cette perception : l'achat par Jacob à Esaü de son droit d'aînesse pour un plat de lentilles, et le subterfuge utilisé par Jacob à l'instigation de sa mère pour recevoir la bénédiction qu'Isaac réservait à Esaü.
La lecture midrashique réfute totalement la lecture superficielle. Elle voit en Esaü un homme qui avait décidé très tôt de rejeter l'héritage spirituel d'Abraham et d'Isaac, mais qui, hypocritement, se donnait une apparence de piété. Les auteurs Marc et Matthieu insinueraient-ils dans ce midrash chrétien que Jean-Baptiste figure des Juifs "Israël" est à l'image d'Esaü ? Dans le texte biblique, Esaü a finalement choisi de s'intégrer à la culture idolâtre des populations cananéennes.
Il reste cependant que le comportement apparemment "tortueux" de Jacob fait question.
Jacob, qui "résidait dans les tentes" selon les termes utilisés dans le texte est en train de préparer son repas, un plat de lentilles, lorsque arrive Esaü de retour de la chasse, fatigué et affamé. Il demande à son frère de la nourriture.
Jacob accepte à condition que ce plat de lentilles soit le prix de la cession de son droit d'aînesse. (Esaü est l'aîné parce qu'il est sorti le premier lors de la naissance des jumeaux). Esaü accepte en affirmant que pour lui, le droit d'aînesse est sans importance.
L'affaire est donc conclue, ce qu'établit le verset suivant :
"Jacob dit jure le moi aujourd'hui, et il jura et il vendit son droit d'aînesse à Jacob." (Genèse 25,33)
Commentaire midrachique sur ce verset :
Que vit notre père Jacob pour risquer sa vie pour le droit d'aînesse ? On dit dans la Michna : "Avant la construction du Tabernacle, les autels étaient permis et le service était assuré par les premiers nés. Mais une fois qu'il fut érigé, le service fut assuré par les cohanim (prêtres)". Jacob se dit : "ce scélérat conduirait les sacrifices ! Aussi il risqua sa vie pour le droit d'aînesse." "Si tu n'as pas haï le sang, le sang te poursuivra" (Ez.35,6). Y aurait-il eu du sang qu'Esaü aurait haï ? Rabbi Lévi au nom de Rabbi Chmouel ben Nahman dit : celui des sacrifices offerts par les premiers nés. Rabbi Lévi au nom de Rabbi Hama ben Hanina dit : le sang de la circoncision." (Beréchit Raba 63,13)
Notre midrash entend nous éclairer sur les motivations des deux protagonistes. Pour comprendre l'épisode du plat de lentilles, il faut d'abord comprendre les enjeux du droit d'aînesse. Sur le plan matériel, l'aîné reçoit une part double de l'héritage paternel par rapport aux autres frères. Sur le plan spirituel, comme le précise le midrash, l'aîné a des fonctions de prêtre à cette époque. C'est lui qui non seulement assure le culte notamment à travers les sacrifices. Le rôle essentiel du prêtre est de tenir l'homme dans la proximité de Dieu, ce qu'exprime bien le terme קרבן (korbane), littéralement rapprochement, improprement traduit par sacrifice.
On ne peut imaginer que Jacob ait proposé à Esaü de lui céder sa double part de l'héritage d'Isaac, un homme très riche, contre un plat de lentilles ! Et on peut encore moins imaginer qu'Esaü ait pu accepter une telle transaction. Il faut donc conclure comme le fait le midrash, que la proposition de Jacob portait sur la dimension spirituelle de l'aînesse. C'est cette charge qu'Esaü méprisait visiblement, et dont il a voulu se débarrasser sans trop se faire prier.
Jacob connaissait l'aversion d'Esaü pour la responsabilité spirituelle endossée par les Patriarches, alors que lui, Jacob, y aspirait profondément. Pourquoi le midrash dit-il alors que Jacob a risqué sa vie ? Parce qu'à la fonction de prêtre sont attachés des honneurs particuliers qui auraient pu séduire Esaü.
Si cela avait été le cas, il aurait perçu la proposition de Jacob comme une tentative de le dépouiller de ces honneurs, et aurait pu alors réagir violemment. Jacob a bel et bien risqué sa vie, comme le souligne le midrash, pour pouvoir assurer la continuité de l'œuvre spirituelle de son père Isaac et de son grand-père Abraham.
Ainsi on comprend les paroles de Jean-Baptiste en Jean 3, 30-31 : "Il faut qu'il croisse, (comme Jacob) et que je diminue (comme Esaü). 31 Celui qui vient d'en haut (comme Jacob) est au-dessus de tous ; celui qui est de la terre (comme Esaü) est de la terre, et il parle comme étant de la terre (encore une allusion à Cain le laboureur). Celui qui vient du ciel (comme Jacob ou Abel) est au-dessus de tous,..." .
Le midrash apporte dans sa lecture un enseignement supplémentaire. Le cohen (prêtre) est préposé aux sacrifices, lesquels impliquent de verser le sang, et Jésus versera son propre sang. Verser le sang, c'est pourtant une activité qui correspond parfaitement aux goûts d'Esaü, comme à Jean-Baptiste, comme à Élie. (Esaü était un chasseur). Et pourtant, même cette perspective ne l'a pas attaché à la prêtrise. Pourquoi ? Parce qu'il y a une effusion de sang qu'Esaü ne supporte pas, dit le midrash, celle des sacrifices apportés pour les premiers nés juifs et celle de la brith mila, בְרִית מִילָה l'alliance par la circoncision, témoignage de l'Alliance entre Dieu et la descendance d'Abraham. Jésus serait l'image de brith mila, בְרִית מִילָה pour les gentils. Esaü le chasseur ne tuait pas seulement des animaux, il était aussi un assassin. Il avait d'ailleurs, comme le texte de la Genèse le précise plus loin, résolu de tuer son frère Jacob après la mort de leur père. " 4 Esaü conçut de la haine contre Jacob, à cause de la bénédiction dont son père l'avait béni ; et Esaü disait en son cœur : Les jours du deuil de mon père vont approcher, et je tuerai Jacob, mon frère." Cain tua Abel à cause d'un sacrifice : "Au bout d'un certain temps, Caïn présenta, du produit de la terre, une offrande au Seigneur ; à son offrande, (5) mais à Caïn et à son offrande il ne fut pas favorable ; Caïn en conçut un grand chagrin, et son visage fut abattu."(Genèse 4, 3 à 5)
Comme Esaü Jean Baptiste ne supporte pas le sang du sacrifice.
Le baptême de Jean, se veut de remplacer l'« expiation », qui signifie : « se concilier quelqu'un », « se rendre favorable à ses yeux », « apaiser sa colère », C'est la Mission d'Élie dans les prophéties de Malachie et en particulier « apaiser la colère de Yahvé en vue du jour de Yahvé ». C'est la mission de Jean Baptiste annoncer la venue prochaine de Dieu, et pour cela chaque Juif doit se souvenir de la loi donnée à Moïse sur l'Horeb et se repentir (de ne l'avoir pas suivi). L'expiation est donc à comprendre en relation avec une offense commise à l'encontre de Dieu, et sur le mode d'une opération rituelle visant à se rendre à nouveau propices malgré cet affront. Elle s'inscrit sur un registre cathartique et sacrificiel, puisque l'expiation est une forme de purification par la mise à mort d'une victime. C'est d'ailleurs le sens du verbe latin expiare, qui a donné le français « expier » : « purifier », « apaiser », « effacer par un sacrifice ». Le même verbe est d'ailleurs aussi à l'origine des mots « piété » et « pieux », qui désignent l'attitude et le caractère de ceux qui remplissent leur devoir envers Dieu. Dans le judaïsme ancien, les sacrifices que l'on qualifie d'expiatoires dans la Bible hébraïque (חטאת : hattat et אשם : asham) ne visent pas à apaiser la colère de Dieu, mais à recréer les conditions de sa présence au milieu de son peuple après une transgression, et à réintégrer ceux qui s'étaient trouvés éloignés de lui. C'est en particulier le cas lors du Yom Kippour, יום הכיפורים littéralement « Jour du grand pardon », consacré à la prière et au jeûne : on y perçoit bien un reflet lointain de l'ancien rituel du bouc émissaire, qui consistait à sacrifier un bouc parfait sans défaut pour le pardon des péchés du peuple ; mais le sens qui s'est peu à peu imposé est celui d'une rencontre du peuple avec son Dieu, ce rappeler de la loi c'était cela aussi. Or le Baptême de repentance de Jean Baptiste n'était pas prescrit par la Torah.
Le baptême de repentance que propose Jean Baptiste est différent de l'expiation, et deviendra dans la suite une notion spécifiquement judéo-chrétienne. Elle est récurrente dans la Bible hébraïque sous la forme des racines נחם (naham), qui signifie « avoir du regret » et שוב (shouv), qui signifie « faire retour », « revenir en arrière » ou « rentrer en soi-même ». La תשובה (techouvah) est littéralement un « retour à Dieu » et elle est considérée comme la condition préalable nécessaire au pardon divin. Mais la littérature rabbinique distingue deux types de repentances, premièrement celle qui est motivée par la crainte du châtiment, ce que prônait Jean Baptiste, la seconde : celle qui est inspirée par un amour profond de Dieu ce que prônait Jésus ; la seconde modalité est bien entendu valorisée au détriment de la première. Signalons que selon les récits bibliques, Dieu lui-même se repent à plusieurs reprises, notamment d'avoir créé l'homme, juste avant le Déluge, et du mal qu'il avait résolu d'infliger aux Ninivites dans le livre du prophète Jonas. Il n'est donc pas anormal comme certains le prétendent que Jésus se repent puisque Dieu lui-même s'est repenti. Maintenant de quoi ? Peut-être de s'être attaché dans un premier temps comme disciple de Jean-Baptiste ?
Jésus apportera une notion de repentance qui est très présente dans le Nouveau Testament, mais avec une acception différente de celle de Jean Baptiste. Elle est exprimée par le vocable de µετάνοια [métanoïa], qui signifie littéralement « changement de compréhension » : et c'est bien ce que propose Jésus face à Jean Baptiste, il s'agit donc d'un renversement du regard porté sur les choses, et par voie de conséquence d'une conversion de l'esprit et de la conduite éclairée de l'Esprit Saint : "et l'esprit descendit sur lui alors une voie dit « celui-ci est mon Fils bien aimé »".
c) Un examen des traits moraux et psychologiques de Jean Baptiste, comparés à ce que nous savons d'Élie révèle nous l'avons vu une analogie frappante, surtout en ce qui concerne le caractère dur et intraitable de Jean Baptiste dont témoigne ce texte de Matthieu :
"Comme il voyait beaucoup de pharisiens et de sadducéens venir au baptême, il leur dit : « Engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la colère qui vient ? » (Mt 3, 7).
Le ton rappelle la dure apostrophe d'Élie au peuple d'Israël sur le Carmel et Jean met tous le pharisiens et les sadducéens dans le même panier :
"Jusqu'à quand clocherez-vous des deux jarrets ? Si Yahvé est Dieu, suivez-le ; si c'est Baal, suivez-le !" (1 R 18, 21)
Les deux prophètes ont également en commun l'intrépidité. Jean le Baptiste s'en prend à Hérode, au point de perdre la liberté, puis la vie. Élie affronte Achab, l'accusant d'être responsable de l'idolâtrie du peuple, dans le premier cas (1 R 18, 18 s.) et meurtrier de Naboth, dans le second (1 R ch. 21).
Ce qui ne l'empêchera pas de mettre à mort lui-même les prêtres de Baal.
De même, il y a une certaine analogie entre le découragement d'Élie, lors de sa fuite devant Jézabel :
"C'en est assez maintenant, Yahvé, prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères." (1 R 19, 4), et le doute qui assaille Jean dans sa prison :
"Il lui (Jean-Baptiste) envoya de ses disciples, pour lui dire: « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Mt 11, 2-3).
La question de l'identité entre Jean Baptiste et le prophète Élie.
Au dire de Jésus lui-même, Jean est Élie :
Et lui, si vous voulez m'en croire, il est cet Élie qui doit revenir (Mt 11,4)
Mais il y a un petit souci : Selon l'intéressé lui-même, nous l'avons vu Jean Baptiste n'est pas Élie :
Qu'es-tu donc ? Lui demandèrent-ils. Es-tu Élie ? Il dit : Je ne le suis pas. - Es-tu le prophète ? Il répondit : Non. (Jn 1, 21)
Dans l'ensemble de la littérature de l'époque seule la littérature midrashique ignore le principe de non-contradiction. C'est d'ailleurs à l'occasion de cette question de l'identité entre Jean Baptiste et Élie que les Évangiles introduisent une des six occurrences de la sentence : qui a des oreilles entende. En général une telle formule indique que ce qui vient d'être dit n'est pas à comprendre littéralement, mais qu'il s'agit plutôt de double entente. La formule "si vous voulez m'en croire" qui est elle-même unique, serait probablement une adaptation de la formule midrashique : " (aujourd'hui) si vous écoutez ma voix"
Dans le dialogue entre Jésus et ses disciples à propos du même problème, tel que nous le relatent deux des Synoptiques (Mt 17, 10-13 et Mc 9, 11-13) 24. Alors que nous sommes en plein milieu de la vie publique de Jésus, et non à ses débuts. Il est incontestable que les disciples croient en leur Maître ; mieux, ils sont absolument subjugués. De surcroît, la scène à laquelle ils ont assisté se passe lors de la descente de la montagne où Jésus vient de se transfigurer devant eux et leur est apparu dans sa gloire future, accompagné des deux plus illustres phares du Judaïsme : Moïse et Élie ! Et pourtant, un doute leur reste qu'il leur faut lever, et ils l'expriment ainsi :
« Que [= pourquoi] disent donc les scribes, qu'Élie doit venir d'abord ?... » (Mt 17, 10).
Cette question ne doit pas nous surprendre outre mesure ; elle était classique et, on peut bien le dire, inévitable. Elle nous révèle d'ailleurs, de façon éclatante, combien grande était l'autorité de la Tradition orale conservée par les Scribes. En effet, malgré leur ferveur admirative pour Jésus, malgré les miracles et même cette extase récente causée par l'apparition glorieuse de Moïse et d'Élie, ces Juifs du peuple (ils n'étaient ni docteurs de la loi ni même particulièrement instruits, cf. Ac. 4, 13) se rangent, sans hésiter, derrière leur Tradition et "demandent des comptes" à Jésus.
Il est également intéressant de noter qu'une fois de plus, Jésus se garde bien de déclarer nulle et non avenue la Tradition ; il la confirme plutôt :
« Oui, Élie doit venir et tout remettre en ordre... » (Mt 17, 11).
Les trois synoptiques relatent la scène de manière presque identique, à quelques variantes près (Mt 17, 3ss ; Mc 9, 4 s. ; Lc 9, 30 s.). L'événement se situe apparemment peu de temps avant le dénouement tragique de la mission de Jésus. C'est alors que nous en arrivons à son plus étrange et déconcertant argument. Après avoir confirmé la vérité de cette attente d'Élie comme précurseur du Messie, voici que Jésus affirme, sans hésiter :
« Mais, je vous le dis : Élie est déjà venu, et ils ne l'ont pas reconnu, mais ils l'ont traité à leur guise. Et le fils de l'Homme aura de même à souffrir d'eux » (ibid. v. 12).
Et l'Évangile d'ajouter, afin que nul n'en ignore :
« Alors, les disciples comprirent que ses paroles visaient Jean le Baptiste. » (Mt 17, 13).
Force est de reconnaître que cette interprétation de la Tradition représentait un tournant radical, qu'aucun docteur de la Loi n'eût pu accepter sans preuves flagrantes. En effet, si la Tradition juive est unanime à attendre la venue d'Élie comme annonciateur du héraut du Messie, il n'y est rien précisé - que l'on sache - concernant le sort de ce précurseur. Après tout, appartenant encore au monde des vivants, il n'est pas exclu qu'Élie meure un jour. Donc, jusqu'ici, selon la technique d'interprétation juive du pesher, l'exégèse de Jésus pouvait s'avérer acceptable, bien qu'elle n'ait guère de support scripturaire. Mais là où les choses deviennent dures à entendre, c'est lorsque Jésus affirme que cet Élie-là, c'est Jean Baptiste !...
Certes, il n'est pas à exclure l'hypothèse qu'on se souvenait encore, dans l'entourage de Jésus, et ailleurs, de la naissance miraculeuse du Baptiste, et surtout de l'étrange prophétie de son père, le prêtre Zacharie :
« Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu précéderas le Seigneur, pour lui préparer les voies... » (Lc 1, 76).
Cependant, tout cela ne permet guère d'oser affirmer l'identité Jean-Baptiste = Élie. Mais il y a plus étonnant encore : Jésus prédit son destin personnel qui sera - selon ses dires - à l'image même de celui de son précurseur, c'est-à-dire la mort violente !...
Avant même d'essayer d'y voir plus clair dans toutes ces étrangetés, il convient d'examiner le passage correspondant du synoptique Marc, que voici :
« Et ils lui posèrent cette question : "Pourquoi les scribes disent-ils qu'Élie doit venir d'abord ?" Il leur dit: "Oui, Élie doit venir d'abord et tout remettre en état et cependant, comment est-il écrit du Fils de l'Homme qu'il doit beaucoup souffrir et être méprisé ?" - eh bien ! Que je vous le dise : Élie est déjà venu, et ils l'ont traité à leur guise, comme il est écrit de lui." (Mc 9, 11- 13).
En substance, Marc dit la même chose que Matthieu : Élie est déjà venu, c'est Jean Baptiste ; et le Messie Jésus aura le même sort que lui. Toutefois, le parallèle entre l'échec et le martyre des deux personnages est beaucoup plus accentué et constitue comme le pivot autour duquel gravite toute la conception, que se fait Jésus, du rôle d'Élie et de celui du Messie, dans une réinterprétation, aussi inattendue que souverainement autoritaire, de toute la Tradition, dont lui-même, en tant que prétendant Messie, prétend se réclamer.
Un autre élément capital, -- mais sur lequel, malheureusement, nous ne pouvons pas nous étendre, faute de parallèles --. Est cette affirmation, tranquille mais surprenante, qu'il existe une tradition scripturaire concernant le sort tragique d'Élie = Jean-Baptiste : « Comme il est écrit de lui ».
« Et, cependant, comment est-il écrit du Fils de l'Homme qu'il doit beaucoup souffrir et être méprisé ? »
Déjà, le style interrogatif doit attirer notre attention. Il ressortit à ce genre rhétorique de la question oratoire, que l'orateur profère, non pour interroger, dans l'attente d'une réponse éclairante, mais pour mettre l'interlocuteur dans l'embarras ou bien pour faire éclater aux yeux de l'auditoire la contradiction flagrante ou la faiblesse du propos de celui contre lequel le discours est dirigé, le : πῶς γέγραπται (pôs gegraptai) « comment est-il écrit » signifie à peu près : comment se fait-il, alors, qu'il est écrit ?... L'argumentation de Jésus semble pouvoir être résumée à peu près en ces termes : "Il est clair que nous avons, dans l'Écriture, des prophéties concernant un Messie souffrant et rejeté. De surcroît, il y a des textes (?) scripturaires qui commentent les souffrances d'Élie, donc, si vous conservez le schéma traditionnel, à savoir : Élie, tourbillon de feu, venant à la Fin des Temps frapper les méchants, ravager les impies, et ramener le Peuple Juif à sa Torah et à son Dieu, bientôt suivi du Messie triomphant, qui achève la besogne et établit son règne dans la Gloire, si vous conservez ce schéma optimiste (quoique réellement inscrit dans les Écritures), en faisant abstraction de textes concernant les mêmes personnages et les mêmes événements, mais cette fois prédits sous des couleurs sinistres et tragiques, vous évacuez le mystère, vous choisissez dans l'Écriture ce qui vous arrange, bref, vous vous bouchez les yeux et les oreilles pour ne pas comprendre que moi, aujourd'hui, j'accomplis, en ma personne, cet aspect difficile à admettre, mais réellement prédit dans les Écritures, de l'accomplissement des Temps Messianiques.
En fait : Hérodiade c'est l'image de Jézabel, Hérode celle d'Achab et Jean Baptiste celle d'Élie. Or Jézabel veut mettre à mort Élie Achab craint Élie comme Hérode craint Jean Baptiste, Élie n'est pas mis à mort par Jézabel car ayant fui au désert Dieu l'a enlevé sur un char de feu. Hérodiade image de Jézabel termine le travail en suggérant à sa fille de réclamer à Hérode la tête de Jean Baptiste, ainsi Jean Baptiste est décapité dans sa cellule et ainsi Élie a souffert et il est mort avec Jean Baptiste.
Mais où trouvons-nous la prophétie sur la mort de Jean Baptiste ? C'est lui-même qui la donne : « Et la cognée est déjà mise à la racine de l'arbre ».
L'examen des textes nous révèle un phénomène indéniable : les auteurs des synoptiques n'ont peut-être pas compris le langage de Jésus, mais ils ont rapporté, aussi fidèlement que possible, ses paroles sur ce point difficile. En effet, si leur intention avait été de prouver, de manière irréfutable, l'identité Jean le Baptiste = Élie, ils se seraient bien gardés de conserver ces logia difficiles, apparemment contradictoires, voire scandaleux, pour ne retenir que les affirmations tranchées, telle celle-ci : « Il est cet Élie qui doit venir », sans le « si vous voulez bien le comprendre », ni le « qui a des oreilles... » ; et, bien entendu, sans la terrible interrogation: « et cependant comment est-il écrit du Fils de l'Homme qu'il doit beaucoup souffrir et être méprisé ?... »
L'identité entre Élie et Jean Baptiste explique clairement plusieurs thèmes de la saga de Jean Baptiste comme le thème de l'opposition au pouvoir royal. Élie s'oppose à Achab, Jean s'opposera donc à Hérode. Élie est persécuté par Jezabel, Jean Baptiste sera l'objet de la vindicte d'Hérodiade. L'identité Élie Jean Baptiste explique aussi le thème du désert : Élie doit fuir Achab et se cacher dans une caverne, Jean Baptiste fuira donc au désert et sera vêtu de peau de bête. Cette identité explique même le curieux pluriel de Luc 1, 80
"Cependant l'enfant grandissait, et son esprit se fortifiait. Et il demeurait dans les déserts jusqu'au jour de sa manifestation à Israël"
Circoncision de Jean Baptiste
"Le huitième jour, ils vinrent pour circoncire l'enfant, et ils l'appelaient Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère prit la parole, et dit : Non, il sera appelé Jean. () Zacharie demanda une tablette, et il écrivit : Jean est son nom. Et tous furent dans l'étonnement. Au même instant, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia, et il parlait, bénissant Dieu."
- Luc 1.13-64
L'idée d'identifier deux personnages n'est pas nouvelle. Le midrash juif identifie déjà Élie à Pinhas, (פנחס) descendant d'Aaron. C'est pourquoi d'ailleurs Zacharie (père de Jean) sera prêtre et Élisabeth descendante d'Aaron. Curieusement,פנקס (pinkas) la tablette qui reçoit le nom de Jean sonne comme פנחס pinhas. Or cette tablette (qui deviendra un plat, πίναξ (pinax) par passage au grec) va jouer un rôle important du début à la fin de l'élaboration du midrash sur Jean Baptiste.
Petit rappel qui est Pinhas dans l'Ancien Testament :
Phinée, ou Phinéas, ou Pinhas, est un personnage biblique, troisième grand prêtre des Hébreux, fils d'Éléazar, lui-même fils d'Aaron.
Il est nommé dans le Livre de l'Exode (6:25) : « Éléazar, fils d'Aaron, prit pour femme une des filles de Phuthiel, qui lui enfanta Pinhas. » Il apparaît ensuite dans le Livre des Nombres (25:6-13, et 31:6). Les Hébreux, après avoir traversé le Sinaï, sont arrivés dans le royaume de Moab. Ils commencent à « se livrer à la débauche avec les filles de Moab », qui les attirent vers le culte de leur dieu Belphégor. « Yahvé dit à Moïse : « Assemble tous les chefs du peuple et pends les coupables devant Yahvé, à la face du soleil, afin que le feu de la colère de Yahvé se détourne d'Israël ». Et Moïse dit aux juges d'Israël : « Que chacun de vous mette à mort ceux de ses gens qui se sont attachés à Belphégor » » (25:4-5). Pendant cette réunion, un certain Zamri, fils de Salu, passe par hasard en compagnie d'une femme madianite. « À cette vue, Phinhas, fils d'Éléazar, fils d'Aaron, le prêtre, se leva du milieu de l'assemblée, il prit une lance dans sa main, suivit l'homme d'Israël dans l'arrière-tente et les transperça tous les deux, l'homme d'Israël et la femme, par le ventre. Alors la plaie s'arrêta parmi les enfants d'Israël » (25:7-8). « Yahvé dit à Moïse: « Pinhas, fils d'Éléazar, fils d'Aaron, le prêtre, a détourné ma fureur de dessus les enfants d'Israël, parce qu'il a été animé de ma jalousie au milieu d'eux ; et je n'ai point, dans ma jalousie, consumé les enfants d'Israël. C'est pourquoi je lui accorde mon alliance de paix : ce sera, pour lui et pour sa postérité après lui, l'alliance d'un sacerdoce perpétuel, parce qu'il a été jaloux pour son Dieu, et qu'il a fait l'expiation pour les enfants d'Israël » » (25:10-13).
Pourquoi le midrash juif identifie-t-il Élie à Pinhas ? À cause d'un attribut commun: la קנאה (kin-aw'). Pinhas se caractérise par sa קנאה (kin-aw') (zèle, jalousie, colère). Sa lance חנית (khanitt) qui punit l'idolâtrie, inverse la colère divine כעס האל (kaas Yahvé). C'est un héros ou un athlète de la Loi.
Nombre 25,11 :
יא פִּינְחָס בֶּן-אֶלְעָזָר בֶּן-אַהֲרֹן הַכֹּהֵן, הֵשִׁיב אֶת-חֲמָתִי מֵעַל בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקַנְאוֹ אֶת-קִנְאָתִי, בְּתוֹכָם; וְלֹא-כִלִּיתִי אֶת-בְּנֵי-יִשְׂרָאֵל, בְּקִנְאָתִי.
« Pinhas bèn Èl'azar bèn Aarôn, le desservant, a détourné ma fièvre des Benéi Israël, en étant ardent de mon ardeur au milieu d'eux. Et je n'ai pas achevé les Benéi Israël dans mon ardeur.
Élie se caractérise aussi par sa קנאה (kin-aw').
"(Élie) répondit : Je suis rempli d'un zèle jaloux "קַנֹּא קִנֵּאתִי (Kna Knati) (1R, 19, 14)
On retrouvera donc cette קנאה (kin-aw') chez Jean Baptiste, dans ses propos, mais aussi sous la forme peu reconnaissable du roseau קנה (kaw-neh') qui deviendra l'attribut de Jean Baptiste. Mais קנה (kaw-neh') est aussi la racine de (קָנִיתִי) (qânîtî) qui veut dire "acquit", "acheter" comme Ève dit de Cain j'ai (קָנִיתִי) (qânîtî) un homme (souvenez-vous). Quand au roseau c'est le texte même de Luc qui nous l'apprend :
"Quand les envoyés de Jean furent partis, il se mit à dire aux foules au sujet de Jean :
Qu'êtes-vous allés contempler au désert ? Un roseau (kaw-neh') agité par le vent ?" (Lc 7, 24) allusion à (Kna Knati) un zélé jaloux comme Élie.
Or le roseau קנה (kaw-neh') est aussi un calame ( un roseau utilisé pour écrire ). Jean Baptiste sera donc souvent représenté tenant un objet qui peut être un roseau ou la lance de Pinhas. Le "vent רוּחַ (ruaH) qui agite" est une réutilisation de Juges 13, 25 : et l'esprit רוּחַ (ruaH) de Yahvé commença à l'agiter au camp de Dan, avec וַתָּחֶל רוּחַ.
La naissance de Samson, qui est, comme Jean (Lc 1, 15) un nazir, contient une mère stérile, l'Annonciation d'un ange et le sacrifice d'un agneau...
En récompense de ce zèle, Pinhas (et donc Élie et aussi Jean Baptiste qui est aussi quelque part Pinhas) reçoit confirmation de la promesse messianique.
Revenons à Zacharie. Pourquoi bénit-il Dieu ? Parce que celui-ci se souvient לזכור (zakhar) de la prophétie. Comment se termine la prophétie ? Quel est le dernier mot de la prophétie, du dernier livre des Prophètes ?
"Voici que je vais vous envoie Élie le prophète, avant que n'arrive le Jour de Yahvé, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d'anathème חֵרֶם . (Ml 3, 23-24) qui sont les pères et qui sont les fils ? Les fils ce sont les enfants d'Abraham le peuple Juif et les pères sont les patriarches, Abraham, Isaac et Jacob.
Le texte de Luc se veut une continuation de la prophétie, de Malachie (son accomplissement). C'est pourquoi Zacharie qui était muet אילם (élam) qui sonne comme דם dam, (le sang) recommence à parler את מאלל (le-malel) après la מילה (mila) (circoncision mais qui veut aussi dire promesse). La prophétie s'était tue, après Malachie, ce jour-là elle reparle.
Pinhas illustrait son zèle en punissant les unions illicites :
Il suivit l'Israélite dans l'alcôve et là il les transperça tous les deux, l'Israélite et la femme, en plein ventre. Le fléau qui frappait les Israélites fut arrêté (Nb 25,8)
C'est pourquoi Jean Baptiste s'opposera lui aussi à l'union d'Hérode avec la femme de son frère. Voilà comment, de proche en proche, détail par détail, s'effectue la prophétie et l'élaboration midrashique pour trouver son accomplissement. Jean Baptiste sera ainsi persécuté par une reine (Hérodiade) pour la bonne raison qu'Élie (qui n'est pas mort) était persécuté par la reine Jézabel ; il baptisera, car Élisée, le disciple d'Élie, a baptisé Naamân 2 Rois 5, 10
• Le Vêtement.
En Lc 7, 25 nous lisons à propos de Jean Baptiste : Alors qu'êtes-vous allés voir ביקר (beyokèr) ? Un homme vêtu d'habits délicats :יקרת ערך las ayqèr ? Or mensonge se dit laš-še-qer לַשֶּׁקֶר֒ Mais ceux qui ont des habits magnifiques יקרת ערך las ayqèr vivent dans les délices sont dans les palais royaux.
Ici Jésus ferait-il un jeu de mots avec mensonge et délicat ? Et il serait en train de nous dire : qu'allez voir dans le désert un homme menteur ? Mais les hommes menteurs vivent dans les palais royaux.
- Typologie eschatologique d'Élie, le Précurseur, et son accomplissement historique en Jean le Baptiste, d'après les Synoptiques et l'Ancien Testament.
a) Arrière-plan scripturaire
Il est visible que les rédacteurs des Synoptiques ont vu, dans Jean Baptiste, le Précurseur du Messie, l'Élie qui devait revenir pour préparer les voies du Seigneur. Cela, parait pour des chrétiens d'aujourd'hui, comme un truisme ; mais les choses n'ont pas toujours semblé aussi simples à l'Église primitive ni aux Pères de l'Église (grec surtout). En fait, et au premier abord, cette typologie ne paraît pas faire de doute, puisque Jésus lui-même affirme - sans ambages, semble-t-il - que Jean Baptiste est Élie (Voir, Mt 17, 10-13 (= Mc 9, 11-13) ; Mt 11, 7-15, et cf. Lc 1, 15-17.). On peut se dire alors ! Donc où est le problème ?
Pourtant il faut le reconnaître que les Écritures sont fort discrètes en ce qui concerne le retour d'Élie.
Dans la Bible canonique, nous ne trouvons rien de plus que ces paroles de Malachie 3, 22-24 :
" Rappelez-vous la loi de Moïse, mon serviteur, à qui j'ai prescrit, à l'Horeb, pour tout Israël, des lois et des coutumes. Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que n'arrive le jour de Yahvé, grand et redoutable. Il ramènera le cœur des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur que je ne vienne frapper le pays d'anathème."
Les fils « Israël » doivent au travers de la Torah (la Loi donnée à Moïse) retrouver la foi des patriarches, et retrouver l'union avec eux. La Torah (la Loi) sans la foi (des patriarches) est anathème, et n'a aucune valeur aux yeux de Yahvé.
En dehors du Canon juif, nous l'avons vu nous trouvons un texte très important. Il s'agit du Livre de Ben Sira "Le Siracide," appelé aussi l'Ecclésiastique ou encore La Sagesse de Ben Sira. Connut au temps de la rédaction des synoptiques il semble que ce soit surtout ce texte, plutôt que Ml 3, 23-24, qui a le plus influencé la rédaction des péricopes concernant le rôle eschatologique d'Élie = Jean Baptiste, dans les Synoptiques. Car, on retrouve deux éléments qui sont absents de la prophétie de Malachie c'est : l'apaisement de la colère, et le rétablissement des tribus de Jacob ; de plus, seule la première partie de la prophétie de Malachie est citée : « pour ramener le cœur des pères vers les fils », mais non la suite (« et le cœur des fils vers les pères »). Peut-être faut-il lire le cœur du Père vers les fils et les cœurs des fils vers le Père.
Or, il se trouve que ces trois éléments réapparaissent, dans les synoptiques, presque sous la même forme à savoir :
1) La suppression du motif du retour des fils vers le père (Lc 1, 17).
2) L'apaisement de la colère, qui semble trouver un certain parallèle dans les paroles de Jean le Baptiste aux Pharisiens et aux Sadducéens venus recevoir leur baptême: « engeance de vipères, qui vous a suggéré d'échapper à la colère prochaine ? » (Mt 3, 7).
b. La notion d'«Apocatastase»
Le terme apocatastase désigne la restauration finale de toutes choses en leur état d'origine.
Cette notion diversement envisagée dans des écrits apocalyptiques, platoniciens ou stoïciens de l'Antiquité, est surtout connue pour ses développements dans la théologie chrétienne où le terme se rapporte en premier lieu à des positions sur la restauration finale de toutes choses en Dieu développées à partir du Traité des principes d'Origène.
Le terme grec "apokatastasis" ne figure qu'une fois (hapax) dans le Nouveau Testament, et pas du tout dans la version grecque de l'AT, dite des Septante ; par contre, le verbe "apokathistanai" est largement attesté dans les deux Testaments.
Le sens habituel de ce verbe grec est : "remettre en état", ou, plus exactement, "ramener une chose ou un événement à son état primitif", "restituer", rétablir comme auparavant, ou conformément à sa nature originelle. L'utilisation la plus significative est celle qu'en font les Actes des Apôtres, dans un contexte eschatologique (cf. Ac 3, 21).
Jésus lui-même assigne à Élie un rôle "apocatastatique", dans deux textes parallèles des Synoptiques :
- Mt 17, 10-13: « Les disciples lui posèrent alors cette question: "Que disent donc les scribes, qu'Élie doit venir d'abord ?" Il répondit: "Oui, Élie doit venir et tout remettre en ordre - ou tout réaliser" (grec : apokatastèsei pantà)... »
- Mc 9, 11-13: « Et ils lui posèrent cette question: "Pourquoi les scribes disent-ils qu'Élie doit venir d'abord ?" Il leur dit: "Oui, Élie doit venir d'abord et tout remettre en ordre" (apokathistanei panta). »
On peut constater que Jésus se situe nettement dans la ligne traditionnelle du Judaïsme concernant le rôle d'Élie.
Pour des raisons qui semblent maintenant évidentes, la communauté chrétienne primitive a voulu voir, dans Jean Baptiste, l'Élie qui devait venir ; mais il ne semble pas qu'il faille parler d'une relecture postérieure ni d'un réajustement exégétique subtil, destiné à plaquer artificiellement, sur la personne et l'action historique du Baptiste, la personnalité réelle d'Élie. En effet quatre auteurs indépendants n'auraient pas pu bâtir indépendamment une fiction sous forme midrashique avec tant de détails et de liens, formant une véritable trame avec l'Ancien Testament. Enseignement qui soit dit, (on le constate au travers leur écrit) qu'ils n'avaient peut-être pas assimilé dans sa totalité, et qui avait une portée qu'ils ne pouvaient même pas imaginer puis qu'il était à l'opposé de ce que l'on croyait à l'époque.
Mais alors quel enseignement peut-on tirer de tout cela ?
Dieu annonce qu'il va envoyer ou renvoyer Élie ou du moins un prophète comme Élie qui et l'archétype de la prédication apocalyptique du Dieu jaloux, terrible, vengeur, punissent etc.. Celui-ci périra par l'épée pour répondre à la prophétie d'Ézéchiel 35,5-6 : "Parce que tu nourrissais une haine invétérée et que tu as précipité les enfants d'Israël sous le tranchant de l'épée, au jour de leur malheur, à l'heure où le crime a pris fin, c'est pourquoi, par ma vie, dit le Seigneur Dieu, je te mettrai à sang et le sang te poursuivra ! Puisque tu n'as pas eu horreur du sang, le sang te poursuivra !"
Qui répond à
Genèse 4, 8 à 11 :
8 Cain parla à son frère Abel ; mais il advint, comme ils étaient aux champs, que Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua. 9 L'Éternel dit à Caïn : "Où est Abel ton frère ?" Il répondit : "Je ne sais ; suis-je le gardien de mon frère ?" 10 Dieu dits : "Qu'as-tu fait ! Le cri du sang de ton frère s'élève, jusqu'à moi, de la terre. Eh bien ! Tu es maudit à cause de cette terre, qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère !"
Jésus lui-même conclura :
Matthieu 26, 51-52 :
" Et voici, un de ceux qui étaient avec Jésus étendit la main, et tira son épée ; il frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui emporta l'oreille. 52 Alors Jésus lui dit : Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée."
Ce qu'il faut comprendre :
Le temps de "ce dieu des armées" au nom duquel les anciens on t'en mit à mort. Ces temps sont maintenant révolus, ce n'est pas Élie par lui-même qui remet tout en ordre mais sa venue (ou son retour) c'est ce qui provoque que Dieu remet tout en son état premier, c'est-à-dire dans l'état "spirituellement parlant" qu'était l'humanité avant le meurtre d'Abel !
Et comment fait-il cela ?
En venant lui-même ! En recensent ses enfants (voir suite). Ce qui parachève toutes les prophéties et annonce la fin des temps de l'ancienne alliance et le jour de Yahvé. Dans sa nouvelle alliance l'homme (s'il le veut, il n'y est pas obligé) peut retourner en ce faisant recensé avec (ou au travers le Fils de Dieu) après sa repentance au jardin d'Éden les portes sont de nouveau ouvertes, c'est-à-dire au Royaume de Dieu. Car il est à présent de retour au milieu d'eux. Car Dieu s'est révélé tel qu'il est, il n'est pas ce Dieu violant, jaloux punissent des anciens des prophètes comme Élie à qui d'ailleurs Dieu avait fait la leçon à l'Horeb, (souvenez-vous) mais Dieu de l'Amour et de la Grâce infinie, tel qu'il s'ait montré au milieu de nous.
Que celui qui a des oreilles pour entendre entende.