L’imprécation de Paul contre les juifs.
Vers 48 ou 49 se tient le fameux concile de Jérusalem. Cette assemblée qui réunit notamment Jacques le frère de Jésus, Pierre et Paul, décide des conditions d'admission des non juifs dans le mouvement chrétien. Une année plus tard, autour de l'an 50, l'apôtre Paul écrit à une communauté de Thessalonique en Asie Mineure, cette épître est la plus ancienne des lettres de Paul.
Il y a un problème fondamental qui s'attache à toute la correspondance paulinienne, et c'est l'authenticité des lettres et leur intégrité. Authenticité en ce que Paul est-il l'auteur de ces lettres, dans leur intégrité c'est-à-dire ne sommes-nous pas en présence de compilations, des collages, d'autres lettres. Paul pourrait très bien avoir rédigé ou dicté, puisqu'il dictée ses lettres, mais celles qui nous sont parvenues, ne correspondraient pas à un écrit rédigé tel quel. Il s'agit là d'un problème absolument fondamental, car nous savons que sur les quatorze lettres attribuées à Paul dans le Nouveau Testament, en tout cas l'une d'entre elles l'épître aux Hébreux ne peu pas être inclus comme une lettre de Paul dans les bibles protestantes. En ce qui concerne les treize qui restes, il y a trois épîtres qui sont pratiquement et universellement considérées comme non paulinienne. Il s'agit des écrits ou lettres pastorales : Tite, et première et seconde à Timothée. Il en reste dix qui sont acceptés avec plus ou moins de contestations. Disons qu'il y en a sept qui sont unanimement reconnues comme authentiques, c'est : les épîtres aux Romains, aux Galates, 1 Thessaloniciens, 1 et 2 Corinthiens, Philippiens et Philémon. Enfin, je parle des exégètes contemporains puisqu'au début du XX siècle, un certain nombre de spécialistes, remettaient en question l'authenticité de certaines de ces lettres. Il en reste trois autres qui restent très discutables : 2 Thessaloniciens, Colossiens, et Éphésiens. Donc nous savons déjà que dans ce corpus attribué à Paul il y a un certain nombre de lettres qui ne sont visiblement pas de lui. Deuxième problème, certaines lettres sont visiblement des compositions littéraires. Elles ont été composées à partir de plusieurs écrits de Paul.
En ce qui concerne la première épître aux Thessaloniciens, la majeure partie des exégètes aujourd'hui sont d'accord pour dire que c'est la lettre la plus ancienne de Paul et voir peut-être l'un des plus anciens textes du Nouveau Testament. On considère qu'il s'agit d'un document écrit aux environs des années 50. Or nous savons très peu de choses sur cette époque. Nous ne disposons pas d'écrit antérieur à la première épître aux Thessaloniciens. Nous ne pouvons que lire entre les lignes pour tenter de reconstituer cette période primitive du christianisme.
Or, cette première épître aux Thessaloniciens, cause polémique. Paul qui est en principe l'auteur reconnu de cette épître, écrit entre autres ceci au ch2 v14 : « 14 En effet, frères, vous êtes devenus les imitateurs des Églises de Dieu qui, dans la Judée, sont en Jésus-Christ ; et vous avez souffert, de la part de ceux de votre propre nation, les mêmes choses qu'elles de la part des Juifs ; 15 Qui ont même mis à mort le Seigneur Jésus, et leurs propres prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes ; 16 Qui nous empêchent de parler aux Gentils pour qu'ils soient sauvés, comblant ainsi toujours plus la mesure de leurs péchés ; mais la colère de Dieu est venue sur eux pour y mettre un terme. »
Ce texte assez dense est en fait assez complexe et suppose toutes sortes de questions. La première de ces questions à poser c'est, qui sont les compatriotes ? Comment peut-il se faire qu'un groupe de Thessaloniciens ait des ennuis ? A priori il y a deux possibilités, le mot pour compatriotes est συμπατριώτης, sumpatriôtês qui signifie ce qui appartient à la même tribu ou à la même engeance. Par exemple, Paul et Aquila (le mari de Priscille) étaient de même engeance ou du même parti. Alors ce peut-être compatriote ou ça peut-être de même confession. Alors, essayons les deux. Si ce sont des compatriotes au sens moderne du terme, c'est-à-dire d'autres Thessaloniciens, comment un groupe de Thessaloniciens fidèles de Jésus-Christ ou de Paul pourrait avoir des ennuis avec d'autres Thessaloniciens ? Une possibilité qui n'apparaît pas trop visible dans ce texte serait que ce soit des chrétiens. Alors ce mouvement juif qui passait pour révolutionnaire et agitée, pourrait avoir fait des difficultés à Salonique, Thessalonique comme on disait autrefois. Seulement, il n'y a pas de trace dans cette épître que ce soit de fait un mouvement agité. Alors à ce moment-là l'autre possibilité serait qu'il s'agit des compatriotes au sens simplement de juifs. On voit constamment cette situation dans les Actes des apôtres, où Paul prêcher dans les synagogues, qui est d'abord accueillis puis refusé par des juifs. Donc il existerait en Thessalonique une division au sein des juifs. Alors l'identité des Thessaloniciens tout à fait précédemment nous échappe. J'entends par là que les Thessaloniciens comme c'est le cas dans la totalité des communautés fondées par Paul, sont composé à la fois de juifs d'origines et de non-juifs d'origines. Cela dans des proportions différentes selon la composition religieuse des villes dans laquelle ces groupes se trouvent. Alors il semble bien que dans l'église de Thessalonique les non-juifs soient en majorité, mais la composition exacte nous échappe. Nous n'avons plus la possibilité de la reconstituer, sinon d'attester la présence très ancienne de deux synagogues à Thessalonique. Donc Paul comme il l'a fait partout a créé à Thessalonique avec ses collaborateurs une communauté mixte. C'est d'ailleurs une spécificité de son action missionnaire. Donc les Thessaloniciens font partie d'une communauté ou deux héritages théologiques, spirituels se retrouvent aussi à savoir un héritage gréco-romain et un héritage Juif.
Les chrétiens de Thessalonique sont d'anciens païens convertis persécutés par leurs coreligionnaires juifs si l'on peut dire. De leur côté, les chrétiens de Judée issus du judaïsme subissent des persécutions de la part des Juifs restés en dehors du christianisme. Paul établirait dans ce cas un parallèle ente les deux situations. Mais est-ce vraiment lui qui prononce ces paroles extrêmement dures à l'encontre des juifs ? Des paroles qui peuvent faire bondir le lecteur qui s'attendait à tout sauf à une telle diatribe. Il faut donc examiner phrase par phrase mot par mot les versets 14 à 16 du chapitre 2 de la première épître aux Thessaloniciens, pour comprendre ce qui peut bien justifier une telle colère de Paul contre les juifs. Que dit-il ? : « ils ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes » donc Jésus serait assimilé en quelque sorte à un prophète, et comme eux il a été tué par ces mêmes criminels. Mais un prophète c'est quoi ? Ce n'est pas celui qui annonce la bonne nouvelle ou la bonne aventure, le nom hébreu נביא (nabī) comporte une autre notion que celle véhiculée par le mot « prophète », puisqu'il signifie « produire » plutôt qu'« apporter au-devant ». Abraham est le premier prophète désigné dans la Torah, ensuite vient Moïse le plus important de tous les prophètes. Ces deux personnages de la Torah n'ont pas été mis à mort par le peuple.
C'est seulement dans le dernier livre de la Torah (en hébreu : תּוֹרָה, « instruction ») dans le livre du Deutéronome (dernier livre de la Torah) que l'on retrouve cette tradition de la persécution des prophètes. Dans le Deutéronome les prophètes juifs ne servaient pas où plus à légitimer le pouvoir politique, au contraire, selon le Deutéronome ils le critiquaient ou s'y opposaient au nom de Dieu dont le prophète est le porte-parole. Donc dans ce verset ils ont tué selon Paul le Seigneur Jésus qui serait considéré comme un prophète, un porte parole de Dieu. Là, nous avons quelque chose de tout à fait intéressant que l'on retrouve ailleurs aussi bien dans Matthieu que dans les Actes des apôtres, on retrouve les termes grecs : φονευσάντων τοὺς προφήτας phoneusantōn tous prophētas, c'est-à-dire : « ils ont trucider tous les prophètes ». C'est tout d'abord une question d'accusation ! Paul accuse les juifs d'avoir tuée le Seigneur Jésus le Messie. C'est une accusation que l'on retrouve dans les Actes des apôtres à la fin du premier siècle. C'est à la fois une simplification des faits et une généralisation à l'ensemble des juifs et donc même des judéo-chrétiens qui se considéraient toujours comme de purs juifs ! Donc si Paul était juif et il l'était, il s'accusait lui-même. Or, Jésus n'a pas été exécuté par les juifs, mais par les Romains, sous les ordres de Pilate, avec peut-être la complicité des grands prêtres juifs, mais certainement pas par tous les juifs. Si Paul écrit ces mots il produit là une fausse accusation. Si l'on regarde de près, l'on constate que Paul utilise des arguments qui ne sont pas spécifique à sa pensée propre. C'est pas du tout pour dire qu'il n'est pas capable de les mettre en avant, mais Paul utiliserait ici des clichés qui proviennent premièrement de la tradition juive elle-même. En effet on retrouve là le motif absolument classique de ce qu'on appelle la tradition deutéronomiste du destin violent des prophètes, c'est-à-dire une tradition qui est née seulement après l'exil, au sein de la réflexion théologique de judaïsme sur lui-même, et qui synthétise d'une manière absolument massive et violente la position d'Israël face aux envoyés de Dieu par une position de rejet violent et c'est le meurtre. Alors, il y a déjà une certaine agressivité « ceux qui ont tué le Seigneur » le verbe est vraiment fort, « et les prophètes », mais dans une certaine mesure même si c'est contre le judaïsme de Jérusalem on est comme nous l'avons vu dans cette vieille tradition deutéronomiste. On est donc posiblement que l'on est, je dirais dans une ligne prophétique et l'on ne serait pas obligatoirement dans une ligne païenne qui s'opposerait au judaïsme. Donc on serait toujours à l'intérieur du judaïsme, mais dans une perspective prophétique qui s'oppose aux chefs d'Israël et au peuple qui les suit et qui n'accepte pas les envoyés de Dieu dont fait parti Paul. Alors maintenant je suis désolé de dire qu'il n'y a malheureusement pas de limite à l'hostilité que peuvent manifester les juifs à l'égard d'autres juifs. On trouve de nombreux exemples dans l'histoire, et même aujourd'hui de cette hostilité que pour des motifs religieux politiques ou n'importe quoi d'autre. Dans l'Antiquité si vous descendiez de Jérusalem et que vous alliez à Qumran vous trouveriez de nombreux textes juifs qui critiquent violemment d'autres juifs et disent des choses bien plus terribles que cela. Mais c'est différent ici parce que Paul dirige une communauté où la plupart sont des non-juifs convertis au christianisme. On aurait pu s'attendre à ce qu'un juif fasse preuve de plus de retenue en parlant à des non-juifs, mais Paul était un homme très spécial. Il s'était engagé dans une interprétation singulière du judaïsme. C'était un personnage capable de grands coups de colère, ils trouvaient de nombreuses raisons d'exprimer son hostilité et sa rancœur à l'égard des autres juifs. Donc Paul se montre un redoutable polémiste pour qui la fin justifierait les moyens contre selon toute vraisemblance il accuse les juifs d'avoir tué Jésus. Comme si l'argument manquait de poids, Paul reprend à son compte les pires slogans de l'antisémitisme païens.
Verset 15 c « ils ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes » Là nous sommes en présence d'un jugement que s'il s'agit de Paul ce dernier l'emprunte aux païens puis qu'on le retrouve tel quelle dans la propagande païenne anti-juive comme chez les auteurs grecs ou romains, et je cite avant tout ici l'historien romain Tacite (55 - 120) qui écrit après Paul et qui est le plus célèbre, mais beaucoup d'auteurs païens ont qualifié les juifs comme des gens qui haïssent le genre humain et méritent la haine qu'ils reçoivent. Ainsi on retrouve dans la littérature païenne gréco-romaine des jugements de ce genre et donc très durs sur le judaïsme. Une expression comme celle de Paul « ils ne plaisent pas à Dieu », se retrouve souvent dans la propagande contre le judaïsme. Traditionnellement, on accusait les juifs d'être responsables de la haine qu'ils provoquaient si souvent à cause de leurs exclusivismes religieux. Les juifs sont au premier siècle dans l'Empire Romain le seul peuple à proposer de façon claire une religion et un culte fondés sur le monothéisme. Certes, il y a à cette époque d'autres formes de monothéismes que celui des juifs, et des monothéismes qui font des adhérents un peu partout dans l'empire dans les couches les plus aisées, chez les philosophes, mais seuls les juifs proposent un culte concret, précis, et développer, expriment cette idée qu'il n'y a qu'un seul Dieu.
Dans l'Antiquité le religieux et le politique ne sont pas séparés. Le politique c'est la vie sociale d'abord. C'est la vie dans la communauté et au sein d'une communauté on ne supporte pas souvent les communautarismes. Ceux qui ne veulent pas s'intégrer à la communauté je dirais dominante. On peut dire comme le formulait notre contemporain G. Brassens : « non les braves gens n'aime pas que, l'on suive une autre route qu'eux ». Donc ici les juifs sont mis à part de cette communauté gréco-romaine, alors, oui à cause du monothéisme, mais ce n'est pas directement à cause du monothéisme, mais c'est à cause que selon ce monothéisme ils ne peuvent pas accepter le commerce avec les autres dieux, qui ne sont pas des dieux, mais des idoles. Mais c'est surtout à cause des conséquences c'est-à-dire qu'ils ne mangent comme les autres, et surtout avec les autres, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas participer aux cérémonies qui rassemble toute la cité, alors les gens de l'extérieur en concluent à la misanthropie, c'est-à-dire la haine des hommes, la haine de la communauté dont ils veulent s'exclure. On retrouve ce même phénomène au XVIe et XVIIe siècle à l'encontre des Amish dont le principal article de la règle était : « Tu ne te conformeras point à ce monde qui t'entoure ». Alors ce reproche qui était généralement formulé et en usage par les gens extérieurs au judaïsme, Paul le reprendrait ici. Mais ce qui est assez spécifique et qui montre que la polémique est très vive c'est qu'il réinterprète celui-ci. Non pas selon le mode de vie des juifs et il ne dit pas du tout que c'est parce qu'ils ne mangent pas comme les païens et qu'ils respectent le sabbat, mais il l'applique et il dit qu'ils sont les ennemis des hommes, dans la mesure où ils s'opposent à la mission aux païens. Donc s'ils sont honnis de tous les hommes, selon Paul c'est parce qu'ils empêchent justement les prédicateurs chrétiens d'agir pour sauver tous les hommes qui vivent dans le paganisme. Donc s'ils les empêchent d'apporter le salut à tous les hommes, ils sont les ennemis de tous les hommes. Voilà la réflexion de Paul si toutefois il s'agit bien d'un écrit de Paul, mais il s'agit bien ici d'un délire. Mais à la base et cela n'est peut-être pas très judicieux, il reprend « que les juifs sont les ennemis de tous les hommes » et ici Paul l'emprunte peut-être à un slogan païen. Le fait est que ce texte comme d'autres, du Nouveau Testament sera compris à travers les générations comme un des textes facilitants et encourageants et justifiant la haine des juifs ennemis de l'humanité. Nous, nous trouvons donc bien ici devant l'un des textes du fondement de l'antisémitisme chrétien.
Alors ! ce texte est bien mal inspiré pour quelqu'un qui « soi-disant » parlerait et écrirait sous l'inspiration du Saint-Esprit. Je ne comprends pas pourquoi Dieu inspirerait à l'écriture d'un texte, lui qui est censé connaître le passé, le présent et l'avenir de toute chose ; texte qui fera durant les deux mils ans avenir le malheurs au sein d'un peuple, ainsi que de nombreuses victimes innocentes au sein de l'humanité. Donc le moindre que l'on puisse dire c'est qu'il est bien mal inspiré ce passage. Parce que ces trois versets de Paul aux Thessaloniciens ont au fil des siècles servi de fondement théologique à l'antisémitisme chrétien, ils figurent dans les plus anciens manuscrits comme dans cet exemplaire du codex claromontanus copier au 6e siècle, mais il reste pour moi vraiment étonnant que Paul qui est dit juif et pût écrire ces mots et prononcé ces phrases.
Le Codex Claromontanus dénommé ainsi par Théodore de Bèze est un manuscrit du VIe siècle, bilingue (grec et latin), contenant les épîtres de Paul. On y trouve également un catalogue stichométrique de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Ce texte on ne peut le nier pose un certain nombre de questions. On y trouve une virulence inouïe vis-à-vis des juifs, que l'on qualifierait aujourd'hui d'antisémitisme qui cependant est rare chez Paul. Il y a un certain nombre d'éléments qui permettent de suggérer que ce texte est une interpolation postérieure donc quelques scribes auraient rajouté ces quelques lignes dans la lettre de Paul. Une notion qui est certes combattue par un certain nombre d'exégèses traditionalistes. À dire vrai ces versets de la première aux Thessaloniciens, sont surprenants, parce qu'on les croirait véritablement écrits plutôt à la fin du premier siècle quand les camps sont plus visibles et plus nets entre les chrétiens et les juifs. Mais en l'an 50 si l'on admet que la première aux Thessaloniciens soit le premier texte chrétien conservé et datant de l'année 50, alors l'opposition entre les chrétiens et les juifs paraît bizarre venant de la part de Paul, qui est lui-même un juif d'origine juive, d'expression grecque comme il y en avait beaucoup, et même plus que de juifs d'expression sémitique. On a donc imaginé que nous nous trouvons ici en présence d'une interpolation tardive de la fin du premier siècle et donc que ces versets n'ont pas pu être écrits par Paul. Je partage cet avis, bien que le texte semble bien paulinien, par certain termes comme l'expression « Christ Jésus », le verbe « plaire à Dieu », que l'on retrouve ailleurs dans les épîtres authentiques de Paul.
Le problème posé par ce texte est d'abord hérétique, car ces versets ont été utilisés maintes fois par l'Église pour attiser l'antisémitisme chrétien. Il s'agit là d'un chapitre très triste de l'histoire de l'Église. Je concède volontiers que se passage a été interprété par les chrétiens, d'une façon anti-juive, antisémite, et cela me gêne si c'est Paul l'un des pilier du christianisme qui a écrit ces phrases. Même si cela n'était pas dans l'intention de Paul, car Paul aimait vraiment les siens. Dans son épître aux Romains il exprime les liens très profonds qui l'unissent à son peuple. Ici, et s'il est bien l'auteur de ce passage, alors il manifeste son exaspération à l'égard des juifs qui s'oppose aux disciples de Jésus dans les églises de Judée. C'est clair, mais Paul est juif, donc on ne peut pas l'accuser d'antisémitisme, et donc ici Paul écrirait sous l'emprise de la colère. On peut le déplorer car cela entraînera l'Eglise qu'il est en quelque sorte en train de fondé ou tout au moins de conduire sur les fonts baptismaux, à un antisémitisme qui la condamnera aux yeux de beaucoup.
Pour moi, les expressions qui posent problème ici sont d'abord l'affirmation qu'il s'agit des juifs en général. Car il est clair dans ce passage que le mot Ιουδαιοι (Ioudaïoï) renvoie au peuple tout entier ; c'est aussi le peuple entier au travers les générations ainsi ils ont tué le Seigneur Jésus, mais ils ont aussi tué les prophètes. Il n'y a pas de distinction, pas de limite, ils sont tous coupables cela nous rappelles les slogans et les écrits terribles d'un dictateur Allemand. Si les juifs ne plaisent pas à Dieu et s'ils sont l'ennemi de tous les hommes, c'est une condamnation universelle, une accusation criminelle et à l'entendre aujourd'hui, il m'est très dur d'accepter qu'il y ait là quelque chose d'historique. Nulle part ailleurs, Paul ne s'exprime de cette manière. L'expression la plus difficile est dans la conclusion du texte. « Mais la colère de Dieu est venue sur eux pour y mettre un terme ». Le constat négatif de Paul sur les obstacles mis à sa prédication aux païens s'achève par ce jugement terrible. La colère s'est abattue à la fin sur eux et ça c'est une expression franchement problématique, car cela me paraît bien peu chrétien, je le comprends au travers de l'enseignement de Jésus. Or si c'est vraiment Paul qui a écrit cela, il était alors loin, très loin de celui qu'il prétendait vouloir servir. Mais on ne voit pas bien s'il s'agit d'une punition qui est déjà tombée ou une punition qui est à venir. Ce thème de la punition divine, est à prendre au sens fort. Cette colère est celle eschatologique, donc la dernière qui pèse sur eux. Alors la fin du passage est difficile à traduire, car il est difficile de savoir si c'est jusqu'à la fin, ou en vue de la fin, ou à jamais. Mais de toute manière, il est manifeste que Paul fait référence à la colère qui est en quelque sorte une hypostase donc une manifestation divine. Celle-ci est attendue pour les temps derniers. Mais en grec dans la dernière phrase, il est explicitement dit : « la colère est venue sur eux à la fin », le verbe est conjugué àl'aoriste ce qui en grec signifie une action accomplie terminée.
Les premiers textes chrétiens sont comme une chambre d'écho, et cette dernière phrase répercute selon moi l'écho de la destruction du temple et de Jérusalem en 70. La colère qui est celle de Dieu qui est arrivée à la fin comme châtiment des juifs pour avoir mis à mort Jésus, ou d'avoir rejeté la foi en Christ est reçu dans l'ensemble de l'interprétation chrétienne, comme étant la cristallisation et la colère de Dieu qui se retrouve dans la destruction du temple et de Jérusalem en 70. En 70 le temple est détruit la ville incendiée et c'est une catastrophe épouvantable, parce que là, effectivement la destruction du temple c'est la destruction du centre du peuple juif, du centre politique, religieux, sociologique, et c'est plus que cela, car le temple est le lieu de la présence de Dieu. Comment est-il possible alors que Dieu ait abandonné le lieu où il se révèle ? Alors si effectivement la colère encourue pour n'avoir pas accepté la foi en Christ et l'avoir mis à mort, si l'expression de cette colère se trouve donnée au moment de la destruction du temple cela veut dire en 70, soit 20 ans à peu près après que la première épître aux Thessaloniciens soit écrite. Donc en effet, là on a un problème ; car ce ne peut pas être l'apôtre Paul qui a écrit ce passage. Puisque quelques temps après que la première aux Thessaloniciens est été écrite, bien que l'on ne sait pas exactement quand Paul est mort, mais si c'est comme il est traditionnellement reçu en 64, alors c'est quand même quelque six années après sa mort donc ce ne peut être Paul qui a écrit cela.
Donc personnellement, je pense avec un certain nombre d'exégètes que c'est un petit passage qui a été introduit beaucoup plus tard 25 ou 30 ans après sa rédaction quand tous ces textes ont été relus, et qu'ils ont été relus avec des sentiments de rancoeurs peut-être, car il s'était produit alors quelque chose d'essentiel qui est la séparation du monde juif et du monde nazaréen. Des juifs du judaïsme rabbinique qui était en train de se constituer et du mouvement des disciples de Jésus de Nazareth qui lui aussi est en train de se constituer en courant particulier une Hairesis une hérésie une secte.
La théorie de l'interpolation c'est-à-dire de la falsification partielle du texte, repose sur plusieurs indices graves et concordants, mais en la matière il n'y a pas de certitude définitive. Il n'y a que des présomptions. Le problème avec cette théorie, c'est que l'on peut faire dire au texte tout ce que l'on veut. Chaque fois que l'on n'aime pas tels passages de la Bible on peut dire que ces mots sont des mots qui ont été rajoutés et c'est l'oeuvre d'un auteur tardif et Paul n'a jamais écrit cela. C'est très risqué n'est ce pas ; exceptionnellement cela peut cependant être une possibilité, mais ici on n'a aucun manuscrit qui ne comporte pas ces mots. Alors certains exégètes et historiens disent de façon radicale que si ces versets n'appartiennent pas à Paul, la première épître aux Thessaloniciens est à remettre en cause ! Soit on peut l'attribuer à Paul soit elle est deutéropaulinienne. Je ne pense pas qu'il faut être aussi radical. Je pense qu'il est tout à fait possible que l'on puisse gommer purement et simplement les versets 14 à 16 sans nuire à la structure du texte. Cela dit, des études récentes affirmant que le style de ces versets n'est pas paulinien et que par conséquent l'authenticité de la lettre doit être entièrement remise en cause. Cela serait dommage pour les historiens parce que cette épître est le plus ancien témoignage du Nouveau Testament. Mais personnellement j'ai beaucoup de mal à voir en quoi le fait, au niveau de l'argument, pas de la lettre elle-même, mais comment trois versets non authentiques remettraient en cause l'authenticité de l'ensemble, de la lettre. Cela me paraît très curieux comme argument, ou alors il faudrait démontrer que toute la lettre va exactement dans le même sans, et que l'on retrouve des échos de ces affirmations dans toute la lettre, et que toute la lettre serait basée sur ce thème là. Ce n'est pas le cas. Donc largument en soi qui consisterait à dire que si c'est versets là ne sont pas authentique alors toute la lettre ne l'est pas non plus, cela me parait très difficile à admettre.
Si Paul a réellement écrit ces versets, alors bien que je préférerais ne pas être obligé d'accabler Paul à cause de ce texte. Malgré tout, cela est possible qu'il en soit l'auteur comme le démontrent de nombreux indices qui semblent l'indiquer. Dans le cas contraire la problématique de ce texte, ne ferait que se délacer, car le fait que les spécialistes y travail depuis si longtemps qu'ils développent diverses hypothèses sur son histoire littéraire est lié à une situation historique bien précise celle où nous nous trouvons aujourd'hui. Au cas où ce texte ne serait pas de Paul, il faudrait en attribuer la paternité à un chrétien anonyme après 70. Reste que ce texte demeure l'un des plus massivement antisémites du Nouveau Testament, et qui fait hélas partie du Nouveau Testament.
On peut tout à fait imaginer que ce passage a été rajouté vu son contexte. Si vous prenez une paire de ciseaux ou un marqueur, et si vous retirez ou noircissez les versets 14 à 16, ceux-ci ne manquent pas du tout. Juste avant aux versets 11 et 12 Paul parle de chose très personnelle : « 11 et vous savez que nous avons été pour chacun de vous, comme un père pour ses enfants ; 12 Vous exhortant, vous encourageant et vous conjurant de vous conduire d'une manière digne de Dieu, qui vous appelle à son royaume et à sa gloire. » et si l'on saute le passage en cause, il continue « 17 pour nous, frères, ayant été séparés de vous depuis quelque temps, de corps, et non de cœur, nous avons eu d'autant plus d'ardeur et d'empressement de vous revoir. 18 Nous avons donc voulu, une et même deux fois, aller chez vous, au moins moi, Paul ; »
La notion de famille et la notion d'affection entre Paul et les autres s'enchaînent parfaitement. De plus, le passage ajouté commence comme une sorte de rustine. Il y a une autre raison, cela on peut toujours rajouter ce que l'on veut, mais le fait qu'il existe d'autres passages de la première épître aux Thessaloniciens qui semble tirés directement du livre des Actes me laisse supposer que quelqu'un a mis cette épître au goût du jour. Je ne pense pas que cela a été fait d'une manière malhonnête, mais en prenant la liberté de l'actualiser.
Si nous réalisons cette expérience d'amputer ce passage polémique il est vrai que l'on passerait sans encombre du verset 13 au verset 17. L'enchaînement est fluide et l'articulation naturelle. Dès lors, rien n'empêche d'envisager que les versets aient été insérés à une époque où la polémique entre juifs et chrétiens s'enflammait, après 70, ou au début du deuxième siècle. Donc il faut être très prudent, mais dans l'autre sens il ne faut pas non plus idolâtrer le texte en disant voilà c'est le texte reçu donc on ne se pose pas de question. Mais moi je dis que si ! parce que le texte lui-même pose question. À la limite, c'est cela le plus intéressant, c'est de voir que cela pose question.
Les apôtres Paul, Pierre, ainsi que Jacques meurent avant la fin des années 60. En 66 éclate dans la province de Judée l'insurrection des juifs contre les Romains. La révolte sera brisée par Titus. Jérusalem tombe en 70, et le temple est incendié ces vingt ou trente années plus tard qu'est écrit le livre qui raconte la naissance héroïque du mouvement chrétien les Actes des apôtres.
Suite : Luc et les Actes des apôtres